typeset formes de phrases nouveaux programmes; j'ai fraudé pole emploi 2020; Main Menu. promo terreau universel; location gîte pyrénées ; daughter amandine malkovich; flammes jumelles supercherie; agence de voyage omra paris; Download App. formulaire autorisation d'opérer un mineur. 100 jours en enfer résumé chapitre par chapitre. dans quelle cryptomonnaie investir / Figure 1 La campagne de Macédoine © Colonel F. Feyler, 1920, la campagne de Macédoine 1916-1917, Genève, Éditions d’art, Boissonnas 1L’échec de la campagne des Dardanelles porte gravement atteinte au prestige des alliés. Parallèlement, l’été 1915 voit l’épuisement de la Serbie face à l’Autriche‑Hongrie et, le 6 septembre, la Bulgarie s’allie aux puissances centrales. Les menaces qui se précisent sur la Serbie et s’intensifient alors ont pour conséquence le déplacement du front d’Orient. La lutte contre les Turcs est abandonnée au profit d’une stratégie plus réaliste. La France et la Grande‑Bretagne décident d’intervenir et conduisent dans un premier temps à Salonique les troupes repliées progressivement de la presqu’île de Gallipoli. Les alliés en Orient vont comprendre des troupes françaises, britanniques, serbes, russes puis italiennes et, enfin, grecques. 2Dès le 5 octobre 1915 a lieu le premier débarquement à Salonique, sous le commandement du général Sarrail, avec l’accord du Premier ministre grec, Venizélos. L’idée était de marcher sur Nis pour arrêter la progression des Bulgares sur la Serbie, et de maintenir ainsi un second front oriental contre les puissances centrales. La situation militaire ne répondant pas aux espérances, il a fallu se replier sur Salonique, ville refuge encerclée de loin par les troupes de la Triple Alliance. Transformée en camp retranché solidement tenu à l’est, le long de la Struma et à l’ouest, sur le Vardar, elle accueille, dans l’été 1916, près de 300 000 hommes Français, Britanniques, Serbes, Italiens et Russes. Figure 2 Salonique, les fronts, les reliefs de l’arrière-pays macédonien © CP, APA 3La présence des troupes franco‑anglaises en Macédoine provoque une grave crise en Grèce. En effet, l’Entente qui craignait un front uni Allemagne-Autriche‑Hongrie-Bulgarie-Empire ottoman, pour maintenir la Bulgarie dans la neutralité, propose à la Grèce, si elle la rejoint, des terres sur les côtes d’Asie Mineure, mais à condition de céder à la Bulgarie la région de Kavala ; un peu plus tard, l’offre concernera Chypre. Le Premier ministre Venizélos, persuadé de la victoire future de l’Entente, est prêt à discuter. Mais accepter l’idée d’une possible cession d’une partie de la Macédoine aux Bulgares, à peine deux ans après avoir affronté ces mêmes Bulgares, est une faute politique qui renforce ses ennemis. Il s’oppose à la volonté de neutralité du roi Constantin, persuadé, lui, de la supériorité allemande, et doit démissionner quand celui‑ci refuse la participation de son pays à l’expédition des Dardanelles, le 6 mars 1915. Vainqueur des élections législatives en juin, il redevient Premier ministre le 16 août et, le 2 octobre 1915, il autorise les troupes de l’Entente à débarquer à Salonique. Le 5 octobre, jour du premier débarquement, le roi le convoque et lui signifie son renvoi. La situation politique grecque se tend pendant l’année 1916, des partisans du roi et d’autres, de Venizélos, s’affrontent violemment dans les rues d’Athènes et des petites villes de province ; en mai 1916, le roi cède sans combat le fort frontalier de Rupel aux forces bulgaro‑allemandes, et l’Entente riposte par un blocus naval de la Grèce, tout en exigeant la démission du gouvernement. En août, les forces bulgares occupent toute la Macédoine orientale et se trouvent donc en mesure de menacer Salonique. Le 29 août, des officiers vénizélistes proclament dans cette ville le mouvement de Défense nationale et, trois semaines plus tard, Venizélos y constitue un gouvernement provisoire et déclare la guerre aux puissances centrales. La Grèce est divisée en deux, l’opinion grecque également. Le 22 octobre, l’Entente exige du roi qu’il lui livre la majeure partie de la flotte grecque encore sous son contrôle et la moitié de ses armements lourds ; refus. Après cinq mois de blocus, le roi ne voulant pas céder, la flotte anglo‑française, le 1er décembre 1916, bombarde le palais royal, des soldats de l’Entente débarquent à Athènes, mais se heurtent à la réaction de la population, les combats de rues entre les royalistes et les vénizélistes s’amplifient. La France décide alors une intervention plus musclée. Le 30 mai, les Franco‑Anglais exigent la démission et le départ du roi. Finalement, le 10 juin 1917, le haut‑commissaire allié, Jonnart, débarque 10 000 soldats au Pirée et obtient l’abdication du roi en faveur de son second fils, Alexandre ; le 26 juin, Venizélos arrive à Athènes. Les rapports politiques entre l’Entente et la Grèce sont donc longtemps difficiles, et compliquent la situation de Sarrail et de ses hommes à Salonique, ce d’autant plus que les habitants de la Macédoine, qu’ils soient slavophones ou hellénophones, sont particulièrement concernés par les effets d’une possible défaite ou victoire devant la Bulgarie ; le sort des populations de la région de Kavala sert d’exemple aux uns et aux autres. Ce n’est, en définitive, que dans l’été 1918 que les troupes alliées, bloquées depuis 1916, reprennent la guerre de mouvement contre la Bulgarie en ayant intégré des troupes grecques. 4Mais en octobre 1915, devant la déroute de l’armée serbe, les hommes de Sarrail sont brutalement détournés de leur destination un temps envisagée un débarquement sur les côtes d’Asie Mineure et reçoivent l’ordre de débarquer à Salonique et de remonter vers le nord. Cette action échoue et cède la place à une guerre de position. Les trois années suivantes voient se multiplier les difficultés. Complétant les quatre divisions arrivées de France ou des Dardanelles à la fin de l’année 1915 et au début de 1916, la France renforce ses effectifs en Orient par l’envoi de deux autres divisions, les 11e et 16e DIC, à la fin de l’année 1916. Au début du mois d’août 1916, les alliés, sur le point d’effectuer une action, sont surpris par une offensive bulgare sur leurs deux flancs qu’ils contiennent avec peine. Si une contre‑offensive permet de refouler les assauts sur le flanc ouest, au nord de Monastir, elle ne peut cependant réussir à l’est, et laisse les Bulgares se fixer le long de la vallée de la Struma. Enfin, face à la gravité de l’affaire grecque et à l’épreuve de force que représente l’affrontement à Athènes avec les troupes fidèles au roi Constantin en décembre 1916, deux divisions, la 76e et la 30e DI, sont acheminées pour soutenir l’action visant à obtenir la destitution du roi. 2 Facon, 1977, chapitre 4. 5La France envoie donc en tout huit divisions sur le front d’Orient. Patrick Facon note que le nombre de soldats qui furent affectés à l’armée d’Orient varie, selon les estimations, entre 370 000 et 600 000 hommes, il retient le nombre de 378 000 hommes en s’appuyant sur les chiffres fournis par Franchet d’Espèrey ; si l’on étudie les chiffres moyens par année, l’année 1917 vient en tête avec une moyenne de 156 750 hommes. L’ensemble de la période est marqué par le problème du renouvellement des troupes en raison de l’éloignement des bases et des réticences de l’État-Major à envoyer des renforts. Patrick Facon affirme que cette armée a souffert de façon endémique du manque de soldats » et que les déficits ne cessent de se développer et de préoccuper le commandement2 ». 3 Bernadotte, 1921a, p. 186. 4 Burnet in Ancel, 1921, p. 153. Il est resté 27 mois en Orient. 6Dans la guerre de mouvement, les officiers voient fondre le nombre de leurs hommes ; le 2 septembre 1916, le lieutenant Bernadotte apprend que son régiment subit une opération de dissection » qui consiste à supprimer une compagnie par bataillon, chacun comprendra désormais trois compagnies au lieu de quatre3. Dans le secteur de la Cerna, en 1918, les effectifs sont tels que les bataillons restent 27 jours en ligne pour 9 jours au repos, et que certains régiments sont restés sans relève pendant 110 jours4. Louis‑Gaston Giguel, sapeur, est nommé caporal en septembre 1916, son escouade comprend six poilus c’est peu, écrit‑il, mais c’est l’escouade la plus forte de ma section. Les autres ne comptent que trois ou quatre hommes ». André Ducasse parle, quant à lui, de régiments squelettiques ». 7En plus des blessures, les ravages du paludisme imposent de nombreux rapatriements. Quand on décide, en 1917, de relever les soldats après 18 mois en Orient, 45 000 soldats ont déjà passé les 18 mois indiqués, 9 000 ont besoin d’être rapatriés avant la saison des épidémies ; et, comme l’armée hésite à envoyer de jeunes recrues avant la fin de la saison des fièvres, finalement les 18 mois ne seront pas appliqués. Le projet Pottevin du nom du député qui l’a proposé prévoit d’envoyer en Orient un maximum de soldats indigènes, malgré les problèmes que leur posent le froid et le gel hivernal ; on dénombre ainsi, en septembre 1918, 23 bataillons de tirailleurs sénégalais, 4 bataillons d’Indochinois, 3 bataillons de Malgaches, sans compter les spahis marocains et les chasseurs d’Afrique, soit environ 1/5e du contingent français. L’armée d’Orient fonctionne en permanence en sous‑effectif, et en utilisant des malades qui restent en poste. 8Le caractère original de ce front reste le fait que les troupes sont implantées en Macédoine grecque depuis 1913, sur des territoires peu contrôlés et contrôlables, où l’adhésion des autochtones à leur cause n’est pas acquise, compte tenu des divergences qui opposent les Grecs entre eux, et de la présence de partisans de la cause bulgare parmi la population locale, en particulier dans l’ouest de la région. Ces soldats ont été envoyés sauver les Grecs » des Bulgares et constatent que les Bulgares n’avancent plus, que les Grecs » ne les attendaient pas et que, d’ailleurs, en Macédoine, surtout en milieu rural, ils ne sont pas majoritaires. De quoi les déstabiliser… 9L’étude de cette période et de la perception qu’en ont eue les combattants français peut se diviser en trois ensembles, le premier concerne la guerre elle‑même, le second, la vie quotidienne des combattants et un dernier ensemble est consacré au cas particulier de la ville de Salonique. La guerre de position organisation militaire de l’espace macédonien 10Hormis les deux couloirs que sont la vallée du Vardar et la Pélagonie à l’ouest, le front est situé à cheval sur de hautes montagnes comparables aux Pyrénées. À partir de décembre 1915, à la suite de la retraite de Serbie et de l’arrêt de la poursuite bulgare, l’armée d’Orient prend progressivement la maîtrise d’un territoire qui varie peu jusqu’à la grande offensive du 15 septembre 1918. Il se présente comme un vaste rectangle de 300 km de long, et de 100 km de large environ, le front correspondant à la longueur du côté nord. Salonique se trouve au niveau de la longueur au sud, mais décalée vers l’est, ce qui rend plus lointains, vus de la ville, les espaces situés au nord‑ouest. 11Quatre auréoles aux fonctions différentes peuvent être repérées, se développant à partir du port de Salonique, point de débarquement des troupes. La première correspond à l’espace urbain salonicien et à ses extensions traitée avec l’étude de la ville. La seconde auréole correspond au territoire organisé à l’intérieur du camp retranché dont les travaux de défense sont entrepris entre décembre 1915 et le printemps 1916. La troisième auréole est une zone dans laquelle on trouve au milieu d’espaces désertés, de petites villes‑relais, situées sur les axes, où s’établissent des structures d’accueil pour les soldats, les blessés et le ravitaillement. C’est militairement une zone de passage avec des lieux d’étapes et de repos et de nombreux hôpitaux, Véria, Florina, Karasouli aujourd’hui Polykastro. Elle est constituée par un ensemble de camps de base à partir desquels les soldats rejoignent le front. Comme dans les campagnes coloniales, les soldats font la guerre, se déplacent, effectuent des déplacements sur des territoires dépourvus d’équipements élémentaires, sans faire confiance aux autochtones, une guerre bien différente de celle du front occidental. Enfin, la quatrième auréole est celle du front et de son arrière immédiat qui s’est fixé sur des zones frontalières, pour la plupart des cas, en montagne. Un espace structuré par les voies de communication » 5 Villebonne, 1919, p. 68. 12Cet espace est structuré par les deux lignes de chemin de fer à voie unique, au départ de Salonique, l’une le long du Vardar, l’autre rejoignant Monastir. Ce train paraît peu confortable et bien désuet aux soldats avec de petits wagons à trois portières comme nous en avions il y a quarante ans5 » 6 Lacoste, 1923, p. 50. Nous nous installons dans la seule voiture de voyageurs que comporte le train. Les carreaux sont brisés, les coussins couverts de souillures. Les filets pendent avec leurs appliques dévissées, la lampe clignote dans son ampoule renversée et pleine d’huile qui suinte. Les portières ferment mal6… 13Et surtout, le tracé de la voie vers Monastir présente des dénivellations impressionnantes qui offrent des sensations fortes en descente quand le train semble comme emballé » 7 Cordier in Facon, 1977, p. 32. Installés […] dans un train comme on n’en voit qu’ici, nous dévalons à une allure de toboggan. Pas de tunnels ; la voie à travers des croupes fait d’énormes entailles. De temps en temps, une échappée sur les cascades de la Voda, déversoir du lac d’Ostrovo [aujourd’hui Arnissa] ; d’inquiétants ponts de fer aux piliers grêles7… 14Peu de soldats, à part les officiers en mission, ont l’occasion de bénéficier de ce service pour leurs déplacements, car, en raison de l’encombrement de la voie, la priorité est donnée aux blessés et au matériel lourd. L’essentiel des déplacements des troupes se fait donc à pied. En effet, la plupart des routes ne sont pas carrossables, ce sont des routes de terre, boueuses, enneigées, poussiéreuses selon les saisons, et dégradées par les guerres balkaniques. Les premiers véhicules débarqués à Salonique ne purent sortir de la ville. Pierre Maridort, arrivé en novembre 1915, raconte son premier voyage en voiture du camp de Zeitenlik vers la ville, soit une vingtaine de kilomètres seulement en plaine 8 Maridort, 1918, p. 16. Il était médecin à la 122e DI. La route a quelques plaies profondes, si bien que mon voisin, lancé de notre banc, le casse en y retombant, malgré l’épaisseur du bois ; c’est un petit accident qui n’émeut pas le soldat, habitué à parcourir les ravins en araba, petite voiture sans ressorts, et sans appuis. Je me demande comment je n’ai pas été précipité de mon siège, lors de quelque déplacement analogue8. 9 Ducasse, 1964, p. 161. Fantassin au 227e RI. 15La présence de reliefs séparés par des dépressions marécageuses compromet les déplacements, la ligne droite dans les Balkans est rarement la plus courte ; d’ailleurs, elle n’est jamais droite et c’est un chemin coupé de fondrières, dans un désert de bosses et de cailloux, parfois de marécages9 ». Les trois quarts du parcours de Salonique à Kozani se font dans une plaine marécageuse, impraticable en hiver d’après Jacques Ancel ; à l’arrivée des alliés, la route de Monastir n’est qu’une piste impraticable aux automobiles et souvent coupée par les boues. 16Le matériel apporté de France est en pratique totalement inadapté à ces conditions. De gros efforts sont faits au printemps 1916 presque toutes les voitures ont cédé la place à des arabas à deux roues et deux chevaux ou des mulets ; mais la charge utile d’une araba est de 400 kg au maximum et celle d’un mulet de 100 kg, aussi une division traîne avec elle une caravane imposante, pas moins de 3 000 chevaux, plus de 3 000 mulets de bât, près de 600 voitures, soit, en tenant compte d’un intervalle minimum entre les animaux et les voitures ou deux voitures, une file qui s’allonge sur plus de trois kilomètres. 17La majorité des déplacements s’effectue donc à pied, même au départ de Salonique, ce qui signifie des centaines de kilomètres sous un poids d’une trentaine de kilos, et à l’arrivée, pas le temps de se reposer ! Lucien Cadoux doit se présenter à Monastir, il sort de l’hôpital après une grave crise de paludisme et s’y rend à pied, et à l’arrivée, au bout de 180 kilomètres 10 Cadoux, 1959, p. 205. L’invraisemblable se produisit. Déjà les agents de liaison de chaque compagnie arrivaient pour prendre livraison, si l’on peut dire, de leur contingent de renfort. En quelques minutes, tous ces compagnons de marche qui avaient peiné, souffert ensemble […] étaient divisés en petits groupes et dispersés, sans avoir eu le temps de se dire au revoir, sans le moindre repos. Tout cela laissait dans les cœurs une impression de brimade10. 18De nombreux témoins décrivent ces marches épuisantes 160 km, dont la moitié en forte pente entre le lac Prespa et Florina en 5 jours Lucien Lamoureux, dix étapes de 10 kilomètres, du 3 au 15 janvier 1917, pour surveiller la frontière entre les deux Grèce » acculées à la guerre civile Lucien Lamoureux, une marche de Salonique à Athènes par étapes de 50 kilomètres en juillet 1917 M. Santini, le trajet Salonique‑Goriza aujourd’hui Korça en Albanie en 19 jours en janvier 1917 Marcel Brochard dans la neige et la glace, sans ravitaillement sinon les conserves qu’ils portent. Le 27 juillet 1917, un trajet de 20 kilomètres à vol d’oiseau demande 18 heures d’une marche harassante en raison du relief… 11 Ibid., p. 202. 19Beaucoup d’hommes ne sont pas dans une condition physique assez bonne pour assurer ces marches, ceux qui arrivent des Dardanelles où ils avaient piétiné de longs mois peinent à brutalement effectuer un long trajet, et le paludisme affaiblit la grande majorité d’entre eux. Certains s’évanouissent au soleil d’été, donc, on marche de nuit, mais beaucoup dorment en marchant. Au bout de quelques jours, on ne ressent plus rien, écrit Lucien Cadoux, car le corps est brisé, il est adapté, rien ne le heurte plus… il est résigné. On peut alors lui demander de marcher pendant des semaines… il marche comme il respire11 ». 20Les soldats ont du mal à évaluer les distances à vue, en raison de l’absence totale de repères, et ils découvrent que les bornes » ne sont pas kilométriques 12 Ibid., p. 166. On avait beau regarder sa montre, puis les bornes, puis, mieux encore, consulter ses jambes, le compte n’y était pas. On sait bien ce qu’un fantassin abat de kilomètres à l’heure. On ne peut pas s’y tromper c’est tant d’une pause à l’autre, et c’est tant par étape. Eh bien, sur la route de Salonique à Serrès, ce n’était pas cela. Le temps y était bien, mais les kilomètres n’y étaient pas. À la fin de l’étape, on avait fait 22 bornes. Il n’y avait pas de doute, les chiffres étaient marqués, mais en réalité on avait fait au moins 26 kilomètres. Tout le monde en tombait d’accord […] Tant et si bien que cela passa en dicton dans le régiment faux comme un kilomètre grec »… C’est tard que j’appris que […] ces kilomètres étaient des stades comme en témoignaient les lettres inscrites sur les bornes, et que le stade grec mesure douze cents mètres12… 21Trop épuisés par le poids de leur barda, certains abandonnent en route des objets qu’ils avaient pris dans les villages et qu’ils jugent finalement inutiles ; d’autres les ramassent et tentent de les échanger pour de la nourriture… La traversée des villages est l’occasion de consignes strictes 13 Santini-Allaman, s. d. Attention ! Voici un village. Sans attendre d’ordres, on rectifie sa tenue, on se boutonne, l’arme sur l’épaule droite ! Pas cadencé. Marche ! Tous se redressent, les talons frappent le sol en cadence, énergiquement. On n’est pas là en touristes ! On est prêts à tout. Sachez‑le bien ! Elle sait bien la section, elle sait bien pourquoi elle est là ! Elle sait que c’est peut‑être son attitude qui va épargner le coup de poignard » dans le dos aux petits copains qui se battent là‑haut, dans les montagnes serbes ; le village passé, le rythme reprend13. 14 Cadoux, 1959, p. 213. 15 Santini-Allaman, s. d. L’article cité ici s’appelle Les longues marches. 22Au cours de ces marches en effet, les soldats traversent des bourgades où ils ne s’arrêtent pas, pour réduire la propagation du paludisme et des maladies infectieuses, comme si, presque tous malades, ils étaient ainsi rejetés par le pays même qu’ils étaient venus défendre14. Ils sont donc contraints d’établir un campement à l’écart des lieux habités, de ne manger que des conserves et ils ont bien du mal à trouver du combustible. De plus, dans certains secteurs, les populations, bulgarophiles ou favorables au roi Constantin, leur sont hostiles ; le lieutenant Santini, qui fait partie du 40e RI, envoyé à pied vers le Péloponnèse en mai‑juin 1917 lors de la destitution du roi, écrit que chaque soir, en installant le bivouac, les hommes érigent des murettes en mottes de terre pour se protéger contre les coups de fusil intempestifs », en plus des rigoles pour canaliser les eaux de pluie15. À partir de 1917, les conditions de cantonnement s’améliorent, car des gîtes d’étape sont créés le long des voies, et des hangars sont montés dans les lieux les plus fréquentés, même si l’hygiène, le chauffage ou les boissons chaudes manquent encore. Le camp retranché de Salonique 23À côté de cette auréole occupée » essentiellement par des points d’appui et quelques postes, dans une zone peu habitée, les autres espaces s’organisent également. Afin de protéger Salonique contre un éventuel siège par les troupes bulgares, les autorités militaires alliées mettent en place une organisation défensive en s’appuyant sur des hauteurs situées à environ trente kilomètres de la ville. C’est le camp retranché » ou birdcage » selon les Britanniques, qui mesure environ 115 kilomètres du golfe d’Orfano à l’est, jusqu’aux marais du Kara‑Asmak, un affluent du bas Vardar à l’ouest. Une série de lacs allongés et séparés par des passes facilement contrôlables constituent près de la moitié de la ligne, l’autre moitié est partagée entre Anglais 20 à 25 km et les Français une quarantaine de kilomètres. L’ensemble ne forme pas une ligne continue de tranchées, seuls les points stratégiques, des buttes, forment des centres de résistance et de contrôle et sont armés. 16 Saison, 1918, p. 236-237. Il était artilleur à la 57e DI. 17 Descriptions détaillées dans Jean Saison et Ernest Stocanne qui a laissé également des photographie ... 24L’aménagement du camp retranché demande des travaux colossaux qui sont effectués par les soldats à partir de la mi‑décembre 1915, c’est‑à‑dire après une première retraite, dans le froid, la boue, sous la pluie, et sans qu’aucun des éléments matériels destinés à améliorer leur vie ne soit encore arrivé. Chaque centre de résistance est sous la responsabilité d’un officier dont il porte le nom, et qui cumule les tâches de construction, d’organisation et de défense. Chacun est constitué par des groupes de tranchées espacées en profondeur et orientées sur des directions à battre. Ils renferment des abris pour la garnison, creusés en galeries de mines, un poste de commandement souterrain avec chambre de repos et poste téléphonique16 ». Selon le terrain, sa nature, la nature des roches, l’emplacement, chacun a un caractère spécifique ; dans certains cas, pour améliorer la vue, il faut élever des parapets en utilisant des blocs de marne crayeuse, et, pour éviter les repérages aériens de l’ennemi, dissimuler ces parapets sous des branchages et des herbes sèches17. Les artilleurs camouflent leurs pièces sous des claies, du treillage de fil de fer qui permet de mettre de l’herbe et un important réseau de barbelés protège les premières lignes. 25Sur les contre‑pentes, les hommes creusent des abris 18 Stocanne, 2005, janvier-février 1916. Je fais creuser par mes servants, à flanc de coteau, un rectangle de six mètres sur 2,5 m que nous recouvrons d’une bonne toiture de tôle ondulée et que nous fermons sur le flanc avec des toiles de tente. À l’intérieur, nous installons une planche à paquetage nous aménageons un four avec cheminée percée dans la terre, dont le tirage nous permet de faire du feu pour réchauffer l’air et en sécher l’humidité. Nous installions un râtelier pour y placer les armes et dégageons aussi des cavités où nous mettons des étagères. Nous logeons là‑dedans mes six servants et moi18. 26Au fil des mois, des améliorations sont apportées, les officiers reçoivent tous un lit de camp et un paletot de cuir, tandis que les hommes de troupe dorment sur le sol, puis se fabriquent des lits avec ce qu’ils peuvent trouver ; selon les endroits, l’eau est plus ou moins accessible, certains sont juste au‑dessus d’un ruisseau, d’autres doivent faire deux kilomètres pour en trouver. Figure 3 Le camp retranché de Salonique © Colonel F. Feyler, 1920, La campagne de Macédoine 1916-1917, Genève, Éditions d’art, Boissonnas, APA 27Ces travaux sont effectués en quelques semaines, mais ces efforts n’ont finalement servi à rien, puisque les Bulgares se sont arrêtés d’eux‑mêmes dans la zone frontalière, ce qui, une fois de plus, laisse un souvenir amer chez les soldats. 19 Bernadotte, 1931, p. 5. Pendant quatre mois, sous la pluie et la neige, nous avons jonglé avec la pelle et la pioche pour ériger ce camp retranché » qui restera célèbre dans les Annales de l’Armée d’Orient comme l’expression même du maximum d’efforts dans le minimum de temps ». Pendant ces quatre mois, nous avons attendu l’offensive en nous enfermant un peu plus chaque jour dans nos ouvrages de fortifications de campagne et rien de suspect, n’a bougé19. 28Placés à environ 25 kilomètres de Salonique, les hommes qui gardent le camp retranché, hormis les officiers, n’ont ni le droit ni la possibilité de se rendre à la ville dont ils voient les lumières la nuit au loin. Progressivement, certains secteurs du camp sont abandonnés et une partie des soldats est envoyée au sud‑est de Salonique vers le centre de la Chalcidique, pour protéger la ville par le sud et préparer l’accueil de l’armée serbe regroupée à Corfou. Ils construisent alors une route stratégique destinée à desservir les hauteurs et les villages de Galatista et Livadi. Mais… le camp retranché de Salonique, finalement, ne sera jamais attaqué… La tenue d’un front de montagne 29Les Bulgares s’étant arrêtés à la frontière grecque lors de la retraite alliée de Serbie, le front se stabilise dans une zone de hautes montagnes et commence alors une guerre très mal connue en France. 20 Burnet, 1921, p. 10. Un officier lui montre de loin la zone du front. Burnet était officier. Là‑bas, c’est le monde des armées. Tu connais ces insectes qui flottent dans l’air au bout d’une soie qu’ils ont filée ? Ainsi sont suspendues nos armées au bout de ces quelques routes et chemins de fer qui leur portent leur subsistance. Malheur si ce fil venait à se rompre. Là, on se bat, on souffre, on meurt20. 30La vie sur ce front est très différente de la vie sur le front français le combattant souffre moins des effets directs de la guerre. Les deux adversaires, éloignés de leur base, isolés de tout, sans accès facile, ont des moyens réduits en hommes et en armes ; les premières lignes ne sont pas des tranchées continues, des points forts sont organisés et se flanquent mutuellement. Mais, le simple fait de survivre, isolé et mal ravitaillé sur un piton, ne permet pas de maintenir des effectifs importants et sape le moral 21 Guénard, 1919, p. I et II. Laissés en rideau sur la frontière, à cinquante ou cent kilomètres en avant de l’armée, dispersés par infimes unités sur des étendues palustres ou dans des postes de montagne, nous savions ne devoir compter que sur nous. Et c’étaient d’immenses territoires qui se trouvaient confiés à notre garde. Dans l’inexorable solitude qui se refermait sur nos pelotons, nous restions isolés du monde des vivants. Sept ou huit mois durant, nos bivouacs furent des bivouacs d’alerte où l’on s’attendait de jour et de nuit à voir surgir l’ennemi en force. Sept ou huit mois durant, nous couchâmes vêtus et bottés, prêts à sauter en selle21. 31Le matériel est insuffisant, Marcel Brochard note qu’en six mois, il n’a tiré en moyenne que deux à trois obus par jour, les munitions sont maigres 22 Lacoste, 1923, p. 163-164. Il ne peut plus être question ici de caissons ni de camions. Sur le faîte de cette montagne, les obus ne seront portés qu’à dos de mulet ou de cheval. On les met par dix, liés dans deux sacs, qui en contiennent chacun cinq. On accouple avec une corde les deux sacs, et on les laisse pendre des deux côtés de l’animal. Il faut qu’il y ait une selle, sans quoi la bête pourrait être blessée par le dur frottement de 30 kg de métal sur ses flancs. L’évacuation des douilles vides s’effectue de la même façon. Seulement on en met alors dix par sac. Pour alimenter d’un jour de feu le groupe des trois batteries, c’est‑à‑dire de 3 600 coups, 1 200 par batterie, 300 coups par pièce, il faut 360 voyages de chevaux ! Imaginez l’extraordinaire circulation nocturne que cela nécessite à travers d’étroits chemins en lacets et le long de précipices qui sont de vrais abîmes. Par suite de la difficulté et de la longueur du parcours, chaque conducteur a deux chevaux l’un sur lequel monte le convoyeur, l’autre qui porte les obus22. 32Les commentaires des soldats qui ont souvent changé de secteur distinguent le front de montagne et le front de plaine ou de piémont où les conditions de vie sont un peu moins dures. Mais, dans les deux cas, les soldats sont engagés dans des opérations locales sans intérêt militaire, destinées à maintenir l’esprit offensif au sein des troupes. Ces actions sont périlleuses, ne serait‑ce que par la médiocrité des moyens mis en œuvre, et certains déplorent l’inutilité coûteuse de certains coups de main, ainsi Georges de Lacoste 23 Lacoste, 1923, p. 137. Il est alors au nord de Monastir. Le 3 septembre [1917], on prépara et on ordonna un coup de main, de l’avis de tous parfaitement inutile, puisqu’on était revenu sur ses positions de départ. C’était à quatre heures du matin. Il y avait 400 mètres à franchir. On réussit, on fait 25 prisonniers, on rapporte une mitrailleuse ennemie. Mais l’ordre est de revenir. Il y a une contre‑attaque à 7 h du soir, elle est repoussée. À 23 h, tout est fini. Pertes chez nous cent hors de combat. Vies brisées, familles en deuil23… 33Certains chefs renoncent parfois à exécuter quelques‑unes de ces opérations qui ne sont que de modestes coups de main. Lucien Cadoux annule une opération à la mi‑décembre 1916, dans la vallée de la Cerna, alors que son groupe se trouve à 150 mètres des Bulgares, protégés par un réseau dense de barbelés 24 Cadoux, 1959, p. 207-208. Peu à peu commença la préparation d’artillerie ; quelques obus de‑ci de‑là. Nous nous disions tout à l’heure, ils vont enfin tirer sérieusement et accabler de projectiles le réseau de barbelés, car il faut avant tout qu’ils nous ouvrent un passage. Or, le temps passait, et le bombardement n’augmentait pas d’intensité. Plus qu’une demi‑heure, plus que vingt minutes, et l’artillerie continuait de s’amuser à lancer de temps en temps un obus… et, devant nous, un réseau de barbelés intact et serré. Et pour atteindre ce réseau, 150 mètres de glacis plat, sans le moindre repli de terrain pour manœuvrer. Alors nous avons compris nous étions délibérément sacrifiés… personne ne disait mot dans la tranchée… Plus que cinq minutes… on mourra, avec son fusil inutile dans les mains… la nouvelle circule le long de la tranchée on n’attaque pas… Notre colonel avait refusé d’envoyer ses hommes à une mort inutile et certaine24. 34Le relief cloisonne l’occupation des lignes et empêche toute mobilité transversale, il empêche également l’approche de l’artillerie, donnant aux affrontements un caractère de guérilla qui use les hommes sans aucun profit militaire. La guerre de mouvement en Macédoine 35Nous nous contenterons ici d’évoquer les deux actions les plus décrites par les témoins que sont la campagne de Serbie – octobre-décembre 1915 – et la contre‑offensive repoussant à l’automne 1916 les Bulgares qui s’étaient avancés jusqu’au lac d’Ostrovo. La grande offensive du 15 septembre 1918 ne figure pas ici, faute de témoignages directs. La campagne de Serbie, octobre‑décembre 1915 36Les soldats qui arrivent des Dardanelles sont pleins d’espoir, ils vont enfin agir 25 Ibid., p. 155. Ici, la terre est libre avec ses plaines, ses vallées et ses montagnes ; on aura de la place pour manœuvrer ; on ne se fera pas coincer dans un boyau, dans un couloir, comme à Gallipoli. Et cette impression d’espace […] est bonne et tonique pour des soldats […] Enfin nous allions faire quelque chose25. 37Mais la campagne de Serbie n’est qu’un infructueux aller‑retour jusqu’au confluent de la rivière Cerna et du fleuve Vardar. Elle s’accompagne de rudes combats en zone montagneuse face à des Bulgares décidés et plus habiles sur le terrain, où de nombreux soldats trouvèrent la mort. Cette campagne militaire impressionne profondément les hommes et suscite le plus grand nombre de témoignages chez les soldats français. 38Nous en avons retenu trois, particulièrement documentés, venant de combattants ayant appartenu aux trois divisions françaises engagées dans ces opérations dans des secteurs différents. La 122e et la 57e DI, considérées comme des divisions fraîches arrivées de France sont engagées le plus en profondeur vers le nord, au niveau du confluent de la Cerna, la première sur la rive droite, la seconde sur la rive gauche, dans le but d’entrer en contact avec les Serbes en repli ; ces engagements sont décrits ici par Julien Arène et Henri Libermann. La 3e division, arrivée des Dardanelles, a pour rôle de contenir les assauts bulgares au kilomètre dit 103 » qui correspond à la gare de Stroumitza ; cette zone, qui devait être particulièrement protégée en raison de la proximité de la frontière bulgare, est décrite par le lieutenant de Bernadotte et Ernest Stocanne qui appartient au 156e RI. Composée en partie d’hommes épuisés, elle se voit confier le rôle de couverture en bordure du saillant que dessine la frontière et qui gêne le contrôle de la voie de chemin de fer, colonne vertébrale du dispositif allié. L’opération de jonction avec les Serbes échoua, imposant le repli des troupes françaises le long de cet axe, devant la poussée bulgare. 39Trois thèmes principaux apparaissent à travers ces récits qui correspondent à trois phases recensées dans les mémoires. Ils évoquent en premier lieu les conditions difficiles de la progression dans ces zones montagneuses et leur solitude ; en second lieu, les hommes racontent leur expérience de la guerre contre les Bulgares, et les combats impressionnants qui les ont opposés à ces derniers ; enfin, tous ont le souvenir d’une pénible, amère et angoissante retraite qui les a reconduits sur le sol grec. 40Julien Arène arrive par chemin de fer et descend à la gare de Krivolak, sur la rive droite du Vardar ; sa division se trouvant sur la rive gauche, et le pont ayant été détruit dans les guerres balkaniques, il lui faut d’abord emprunter l’un des deux radeaux qui effectuent la traversée toute la journée et prennent à chaque passage 25 soldats. Le lendemain, son unité, à la nuit, part vers le village de Hodzali 26 Arène, 1916, p. 79. C’est un pays propre à toutes les embuscades, un véritable coupe‑gorge, un paradis pour les brigands, les sentinelles ouvrent l’œil parce qu’on n’est pas encore habitués à cette guerre‑là26. 27 Libermann, 1917. Il raconte la campagne du lieutenant Mazurier, à la 122e DI, 58e bataillon de chas ... 41Six jours plus tard, il part relever le régiment qui se bat depuis 10 jours, il restera au front du 6 novembre au 3 décembre. Henri Libermann précise que les hommes sont obligés de faire des petits tas de pierres et de broussailles pour baliser leurs itinéraires et ne pas se perdre27. Ils sont couverts de vermine et n’ont pu se laver pendant tout leur séjour au front, car seul, un peu d’eau boueuse dans les bas‑fonds est disponible. Puis le froid vient compliquer la situation, des températures de 22 ° au‑dessous de zéro, du vent, de la neige… 28 Saison, 1918, p. 121 à 123. Il rapporte le récit du docteur Ligouzat. Le vent rend le froid intolérable ; il fait tourbillonner la neige qui comble les tranchées et les boyaux, et pénètre jusque dans les abris ; en travaillant nuit et jour, on n’arrive pas à les déblayer […] La neige […] rend toute observation impossible. Les cils sont perlés de glaçons, la capote devient en quelques minutes une chape hérissée d’aiguilles de glace. Des hommes vigoureux pleurent dans la tranchée à la fois de douleur et de rage de se sentir à bout. Les jeunes gens arrivés avec les derniers renforts sont les plus atteints. Sous la tempête de neige, quelques‑uns erraient comme des fous. Un […] se plaint mes parents sont à Lille, qu’est‑ce que je viens faire ici ? » Les anciens du régiment, des réservistes de trente à quarante ans, mariés pour la plupart, les réconfortent et les aident paternellement Allons, gosse, donne‑moi ton fusil et va te réchauffer au brasero. Tu reviendras dans 20 minutes »28. 42La neige gêne également le ravitaillement, et les hommes restent quatre jours sans approvisionnement. Le 22 novembre, arrivent enfin des vêtements chauds et de la nourriture. Les Français tiennent les positions jusqu’à l’offensive bulgare du 24 novembre ; de ce point élevé, ils suivent les opérations dans la vallée du Vardar et les tirs d’artillerie bulgare qui prennent pour cibles les trains alliés. Lorsque l’ordre de repli est donné, les batteries de montagne sont ramenées vers le bas, et les munitions portées sur des traîneaux vers les radeaux qui ne peuvent plus fonctionner, car le Vardar charrie des blocs de glace… Ces conditions naturelles font comprendre facilement le désarroi des soldats. 29 Villebonne, 1919, p. 111 ; Arène, 1916, p. 73 à 75. 43Les combats sont pourtant impressionnants. Quand Julien Arène parvient au village de Kara Hodzali, le point ultime de l’avancée des Français vers le nord, il constate que les tranchées sont entourées de monceaux d’ossements », creusées dans les crânes, les tibias aussi nombreux que les pierres ». Henri Amour de Villebonne rapporte que dans ces combats, le 242e de la 57e DI a perdu le tiers de ses effectifs, les isolés du régiment qui ont pu s’échapper, racontent que l’ennemi a massacré tous les prisonniers faits dans l’action29 ». 44Sur la rive gauche, les combats ne sont pas moins sauvages pour la conquête de Cicevo‑le‑haut passage d’un torrent à pied dans l’eau glacée de novembre, charge à la baïonnette ; finalement le 18 novembre, les Bulgares rompent la liaison entre les Français et les Serbes. Dans le secteur de Stroumitza, le rythme est comparable, l’avancée française se termine le 11 novembre, le 16 novembre, le repli commence dans une atmosphère de panique ; les officiers donnent l’impression à Ernest Stocanne de ne savoir que faire. Villebonne décrit ainsi le combat de la fosse de Cernitz, le 11 décembre 30 Villebonne, 1919, p. 132-137. Au bas, dans le ravin sous les tirs croisés, des files entières de Bulgares culbutent, s’effondrent la tête la première. Un chaos terrible grouille parmi le sang et la fumée dans cette fosse béante. Sans arrêt pourtant, il en sort toujours de ces foules acharnées. On dirait que la montagne les enfante à mesure […] Ils sautent dans le ravin par dix et quinze à la fois […] Et, peu à peu, chose sinistre, un amoncellement de blessés, de morts, de râlants, comble l’immense tombeau au‑dessus duquel foudroie l’implacable tir de nos lignes. Et maintenant, on ne distingue plus rien le val est nivelé30. 45Patrick Facon montre que les troupes engagées dans cette campagne ont été surprises par cette nouvelle forme de guerre. Il s’appuie sur le nombre relativement important d’abandons de poste, de désertions en présence de l’ennemi ainsi que de désertion à l’étranger ; le nombre de condamnations rendues pour ces trois délits s’élève à 44 pour les mois d’octobre et de décembre. 46La retraite qui suit l’échec de cette offensive impose aux hommes de marcher jour et nuit. Le relief, la précarité des routes, le dynamisme des poursuivants, les conditions météorologiques et l’épuisement des hommes la transforment en véritable martyre. 31 Facon, 1977, p. 267. Nous ne sommes ni plus ni moins qu’une ombre humaine. Beaucoup de camarades sont morts de fatigue pendant la retraite. Ceux qui nous ont envoyés en Orient doivent en avoir gros sur la conscience, car c’est une belle gaffe. L’on y est allé un mois trop tard et encore. Nous avons supporté 23 ° de froid au‑dessous de zéro. Je vous assure que cette campagne de Serbie a été un enfer pour tous31. 32 Libermann, 1917, p. 215-219. Sur la route comme dans les champs, partout des débris d’armes, d’étoffe, des bâts de mulets, des sacs de cartouches et de vivres […] La route est jonchée d’objets abandonnés sacs, armes, bâts, affûts, la plupart brisés ou endommagés. Des chevaux morts, les yeux déjà vitreux, les pattes en l’air, le ventre énorme bordent les fossés. D’autres se traînent les reins brisés, les pattes cassées et, au milieu d’eux, des soldats couchés sur le dos ou sur le ventre, les poings crispés dans une dernière convulsion. Quelques agonisants râlent sans fin ou lèvent des mains gémissantes, suppliant qu’on leur donne à boire […] et puis, un groupe de blessés, marchant tant bien que mal, la tête ou le bras enveloppé d’un pansement sommaire, couverts de sang, trébuchant de fatigue, hideux32. 33 Ibid., p. 222-223. Vers le pont, c’est une bousculade formidable, une cohue épouvantable, tout à coup la rafale bulgare venant de Seskovo s’abat sur cette masse grouillante. Il y a un moment de panique…, des cris affolés montent jusqu’aux nues, et les batteries font rage, écrasant les bivouacs, les rives, les groupes sous un déluge de projectiles. Le désarroi devient inextricable. Des chevaux se cabrent, s’abattent, se redressent pour retomber encore ; des cavaliers galopent à toute bride, sabrent les camarades pour fuir plus vite ; des camions, des voitures de toute sorte s’entrechoquent, se brisent, roulent dans les fossés ; des piétons courent dans toutes les directions33. Figure 4 Chaque passage de pont est un moment difficile le pont du Sarantaporos à la frontière gréco‑albanaise, un pont ottoman en dos d’âne aménagé » pour les voitures. © L’illustration, 3 février 1917, no 3857, p. 103, APA 34 David, 1927, p. 126. David est le neveu du président Sadi Carnot, il était attaché aux services de ... 47Tous les témoignages concordent sur les conditions insupportables de la retraite. Le passage des gorges des Portes de fer est l’un des moments les plus impressionnants, la gorge, le fleuve qui gronde, deux ponts métalliques mal réparés après les guerres balkaniques, des tunnels, un étroit sentier le long des parois, des torrents à passer à la nage… Les conditions météorologiques sont extrêmement mauvaises au point que Robert David compare cette retraite à celle de la Grande Armée perdue dans les neiges de Russie, Villebonne fait également la même comparaison34. Peu à peu, les soldats allègent le paquetage en abandonnant du matériel sur le chemin, l’artillerie, faute de chevaux, doit, elle aussi, abandonner batteries et munitions. Les soldats reçoivent l’ordre de ramasser, quand ils le peuvent, tous les troupeaux qu’ils rencontrent et de les guider jusqu’à Demir Kapou pour ne rien laisser à l’ennemi, et de brûler des villages. 48Les hommes qui franchissent la frontière après Gevgueli sont une armée de désespérés ; mais, malgré la fin du danger, les conditions de leur installation sur le sol grec sont si mauvaises qu’elles ne font pas pour autant cesser leur calvaire. Ils se trouvent dans une zone de marécages où, pendant plusieurs jours, il pleut sans arrêt ; hommes et bêtes s’enlisent, les provisions disparaissent dans la boue qui s’infiltre dans les chaussures ; perdus dans les marécages, ils craignent aussi les réactions négatives des Grecs de la région. 35 Villebonne, 1919, p. 146-147. Une détresse infinie embrume l’âme de ces malheureux errants qui depuis trois semaines fuient à travers les cercles de l’enfer balkanique, pour échouer après un déluge de feu et de mitraille dans l’ordure de ce marais croupissant. Véritablement on s’interroge anxieusement pour savoir si on pourra démarrer de ces vases35. 36 Olier & Quénec’hdu, 2016. Le recensement des hôpitaux militaires installés pour des blessés de l’ar ... 37 Julia, 1936, p. 30 et 32. Julia était médecin. 49Dans la même période, les survivants de l’armée serbe sont embarqués entre Valona et Durazzo, sur des bateaux français ; 160 000 d’entre eux sont convoyés, une petite partie vers Bizerte, 131 000 vers Corfou36. L’île apparaît aux soldats français comme une villégiature, une citadelle d’agrément », qui a l’aspect féérique de Monaco37 », mais il y a une tragédie derrière cette façade ». Les soldats serbes dont la retraite fut pire encore que celle des Français sont mourants, frappés par la sous‑alimentation, la dysenterie, le typhus, le choléra 38 Ibid., p. 33. On assiste à un défilé de fantômes […] Couverts de loques sordides que perce leur carcasse, n’ayant parfois sur le corps qu’un caleçon de coton et une capote en lambeaux, les jambes emmaillotées de lanières faites de débris raboutés, les pieds protégés par des roseaux, des cuirs et des chiffons bourrés, ils offrent le spectacle du dénuement le plus ignominieux […] ils sont vidés par la famine, ce ne sont plus des sacs de sang, mais des paniers qui laissent passer l’eau, et leur peau ne les habille point, comme celle des vieillards ; rétractée en un parchemin, elle s’use jusqu’à la transparence38. 50Le rapport du lieutenant‑colonel François fait savoir que quand les hommes débarquent sur l’île de Vido, on les répartit en trois groupes 39 SHD, 7 N 2191. Ceux qui étaient condamnés et qu’il n’y avait aucun espoir de sauver étaient envoyés au lazaret pour y mourir ; les malades que l’on pensait pouvoir guérir demeuraient à Vido dans l’attente d’un transport ultérieur sur Bizerte ; le reste était envoyé à Corfou39. 51La reconstitution de cette armée, à la fin du printemps, aboutit à équiper 115 000 hommes qui, en mai 1916, sont acheminés à Salonique. La contre‑offensive alliée d’Ostrovo à Monastir, août‑novembre 1916 52Cette opération voit les alliés français, serbes, russes reconquérir les terrains envahis par les Bulgares au mois d’août 1916. Elle s’est trouvée arrêtée à deux reprises, face à des retranchements bulgares fortement organisés, au niveau de deux villages du bassin de Monastir, Petorak, à l’Est de Florina, et Kénali, à égale distance de Florina et de Monastir. Dans les deux cas, on nous décrit des opérations violentes où l’armée française, sans réelle protection, part l’arme au poing vers des villages bien défendus et ainsi… le 6 octobre 1916, à Kénali, 800 soldats de la 17e DIC furent tués en 10 minutes à 12 h, le bilan de la journée est de 1500 morts français et 600 Russes… pour un échec La 17e DI a été massacrée dans des attaques aussi stériles que sanglantes, insuffisamment préparées par l’artillerie et données sur des points les plus forts des lignes de Kénali. Elle y a laissé 100 officiers et 6 400 hommes. Ce qui reste est épuisé […] rapporte le général Cordonnier au général Sarrail. 53Ces opérations concernaient la prise de Monastir et l’installation des Français. La première entrée des Serbes dans la ville avait eu lieu le 19 novembre 1912. La cité est ensuite occupée par les Bulgares du 4 décembre 1915 au 19 novembre 1916. Quand les Français y pénètrent, ils trouvent une ville dont les ressources ont été épuisées ou emportées par les Bulgares et ils n’ont plus l’élan nécessaire pour poursuivre au‑delà de 5 kilomètres au nord, ce qui fait que Monastir reste, jusqu’en septembre 1918, la cible des artilleurs bulgares. Quand les alliés reprennent la contre‑offensive, il leur faut 4 mois pour repousser les Bulgares de 26 kilomètres, et les Bulgares en partant pratiquent, eux aussi, la politique de la terre brûlée… Les débuts de la grande offensive décisive, 15‑30 septembre 1918 40 SHD, 20 N 536. 54Cette offensive rassemble des Français et des Serbes. Les archives du contrôle postal contribuent à remplacer les témoignages qui manquent. Un rapport du 17 décembre 1918 a été fait par le général Henrys sur l’état matériel et moral des troupes. Il montre que les combattants qui ont tant souffert n’ont pas pris conscience dans les quinze premiers jours de cette nouvelle offensive qu’ils détenaient une des clés de la victoire. Sur 1 750 lettres lues le 27 septembre, 15 seulement sont enthousiastes, 193 sont optimistes, et 1 095 sont marquées par l’indifférence40, l’armée ne croit plus à un renversement de situation, il faudra attendre la mi‑octobre pour que les réactions s’inversent. Il faut dire que les conditions matérielles ne changent pas, et que la marche sur Üsküb s’effectue, de nouveau, dans des conditions déplorables ; ce sont une fois de plus des hommes malades, insuffisamment nourris ils tuent parfois des animaux malgré l’interdiction, pour manger et avoir de la graisse, mal vêtus, mal chaussés, on ne peut qu’admirer les quinze enthousiastes » 41 Ibid., un fantassin du 34e RI. Tu n’en croirais pas tes yeux si tu voyais ce pauvre régiment, une armée de guenilles, c’est pitoyable, c’est honteux ; les trois quarts des poilus n’ont pas de pompes, d’autres, pas de falzar, souvent ni l’un ni l’autre. Hélas, je suis de ceux‑là ; oui, mon petit, ni tatane, ni fourreau, ni même un caleçon, et pour la croûte, cela ne va guère mieux […] pain moisi. On se démerde, on vole, on maraude41. 55Il ne s’agit ici que de quelques‑unes des opérations de la guerre de Macédoine, mais, si l’on fait abstraction des détails des combats, les grandes lignes du vécu des hommes restent identiques. Un manque de connaissances ou de prise en compte des conditions locales a fait que, comme en Crimée, les épidémies ont tué trois fois plus que le feu, et que le soldat a toujours l’impression d’un sacrifice inutile. Duhaut de ses 14 ans, Robine Larcin est la benjamine d’une formidable famille de voleurs. Sa sœur aînée, Bonnie, prodige dans son domaine, est une célébrité — marocagreg Admin [2383 msg envoyés ]Publié le2009-08-17 122445 Lu 53845 foisRubrique CPGE Résumé des chapitres 1-2-3 Chapitre IV, 138-173Après cinq mois d'efforts, la banque universelle n'est pas encore née. Saccard s'adresse à la princesse d'Orviedo pour l'inviter à participer à son affaire comme actionnaire, en avançant "le rêve fou de la papauté à Jérusalem" afin de titiller sa sensibilité religieuse. malgré son enthousiasme, la princesse refuse son offre en donnant un exemple éloquent de ce que Simmel affirme en évoquant la pauvreté, cette haine de l'argent perçu comme tentateur, comme incarnation du diable. La princesse ne veut pas s'écarter de son projet initial tarir la source maudite, l'argent pollué de la spéculation qui lui a été légué par son mari. Pourtant le projet religieux une quasi croisade avancé par Saccard, pousse la princesse à accepter l'établissement de la maison de crédit dans son hôtel. Ce chapitre IV est d'abord une réflexion sur la spéculation, mais introduit une description des mauvaises pratiques, des infractions à la loi commises par les gros syndicataires qui comptent faire crier la vache avant de la traire, vendre la peau de l'ours avant même de le chasser et ce sur le compte du troupeau de petits actionnaires à l'instar de la comtesse de Beauvilliers, de Dejoie qui voient dans l'affaire de Saccard une occasion pour gagner un peu plus d'argent. Mme Caroline qui n'est pas du tout dupe puisqu'elle a mis le doigt sur les infractions commises par Saccard et ses associés, exprime ses inquiétudes surtout que son frère est engagé dans le projet "cela me ferait in gros chagrin de vous voir vous engager dans des trafics louches, où il n'y a, au bout, que désastre et que tristesse... Ainsi, tenez ! puisque nous en sommes là-dessus, la spéculation, le jeu à la Bourse, eh bien ! j'en ai une terreur folle." 143C'est pour cela d'ailleurs qu'elle suggère à Saccard de se tourner vers les obligations, c'est-à-dire vers des investissements sûrs qui ne sont pas tributaires des fluctuations du marché. Mais Saccard se fait l'avocat de la spéculation et du mouvement des capitaux commerce de l'argent qu'il considère comme le sang qui alimente l'économie et permet la réalisation des grands projets, alors que les obligations et la propriété terrienne sont considérées par lui comme "de la matière morte" 144. Pour lui, le jeu la spéculation boursière est l'âme qui rend possible tous les rêves "vous partez en guerre contre le jeu, contre le jeu, Seigneur ! qui est l'âme même, le foyer, la flamme de cette géante mécanique que je rêve !" 146, mais il reconnaît aussitôt que cette danse des millions, cette quête effrénée de la fortune ne se fait pas sans victimes "il nous faut la grêle des pièces d'or, la danse des millions, si nous voulons, là-bas, accomplir les prodiges annoncés !… Ah ! dame ! je ne réponds pas de la casse, on ne remue pas le monde, sans écraser les pieds de quelques passants." 146 Il dira ensuite toujours à caroline qui était contre la nomination de son frère comme président " Vous pouvez être tranquille, la spéculation ne dévore que les maladroits" 169. Le même raisonnement sera tenue par Saccard devant la comtesse de Beauvilliers qui a osé - encouragée par la princesse d'Orviedo-, et malgré tous les préjugés de l'ancienne noblesse qui considère la terre comme la valeur sûre, s'adresser à Saccard dans l'espoir de fructifier les 20 milles francs de dot de sa fille "Mais, madame, personne ne vit plus de la terre… L'ancienne fortune domaniale est une forme caduque de la richesse, qui a cessé d'avoir sa raison d'être. Elle était la stagnation même de l'argent, dont nous avons décuplé la valeur, en le jetant dans la circulation, et par le papier-monnaie, et par les titres de toutes sortes, commerciaux et financiers." 158 Après avoir convaincu Sabatani d'être un prête-nom dans sa société complètement illégal, Saccard accueille Jantrou qui lui propose d'acheter un journal catholique l'espérance pour transformer sa ligne éditorial et en faire une arme publicitaire au service du projet. Il accueille aussi la baronne Sandorff, joueuse attirée par l'appât du gain qu'il tente de séduire, ensuite Dejoie qui veut acheter des actions pour marier sa fille de 18 ans. Saccard est séduit par cette clientèle modeste qui donne à son projet une dimension fervente, quasi religieuse, les allures d'une mission. A partir de la page 164, on commence la description des démarches administratives nécessaire à la constitution de la banque l'acte de la société signé chez le notaire, ensuite la tenue de l'assemblée générale constitutive qui détermina les membres du conseil d'administration, le directeur de la banque Saccard. La fin du chapitre contient alors un autre morceau de bravoure 170-171 où Saccard se fait le chantre de la spéculation qu'elle représente comme la flamme qui entretient l'éternel désir de lutter et de vivre. Le chapitre se termine pourtant par un signe de mauvais augure. Superstitieux, Saccard avait considéré dans le chapitre précédent que le son de l'or est bon présage, mais dans ce chapitre, l'arrivée du oiseau de malheur, de la Méchain avec son sac plein de valeurs dépréciées et de titres déclassés, ne manque pas de causer un frisson chez le nouveau banquier. Quelques passages importants du chapitre Texte 1 Le vœu de pauvretéet la haine de l'argentLesuccès lui semblait assuré, foudroyant. Son estime s'en accrutpour l'ingénieur Hamelin, qu'elle traitait avecconsidération, ayant su qu'il pratiquait. Mais elle refusanettement d'être de l'affaire, elle entendait rester fidèleau serment qu'elle avait fait de rendre ses millions auxpauvres, sans jamais plus tirer d'eux un centime d'intérêt,voulant que cet argent du jeu se perdît fût bu par la misère,comme une eau empoisonnée qui devait disparaître. L'argumentque les pauvres profiteraient de la spéculation ne la touchaitpas, l'irritait même. Non, non ! la source maudite seraittarie, elle ne s'était pas donné d'autre ne put qu'utiliser sa sympathie pour obtenird'elle une autorisation, vainement sollicitée jusque-là. Ilavait eu la pensée, dès que la Banque universelle serait fondée,de l'installer dans l'hôtel même ; ou du moins c'étaitMme Caroline qui lui avait soufflé cette idée, car, lui,voyait plus grand, aurait voulu tout de suite un palais. On secontenterait de vitrer la cour, pour servir de hall central ;on aménagerait en bureaux tout le rez-de-chaussée, les écuries,les remises ; au premier étage, il donnerait son salon quideviendrait la salle du conseil, sa salle à manger et six autrespièces dont on ferait des bureaux encore, ne garderait qu'unechambre à coucher et un cabinet de toilette, quitte à vivre enhaut avec les Hamelin, mangeant, passant les soirées chez eux ;de sorte qu'à peu de frais on installerait la banque d'unefaçon un peu étroite mais fort sérieuse. La princesse, commepropriétaire, avait d'abord refusé, dans sa haine de touttrafic d'argent jamais son toit n'abriterait cetteabomination. Puis, ce jour-là, mettant la religion dansl'affaire, émue de la grandeur du but, elle consentit. C'étaitune concession extrême, elle se sentait prise d'un petitfrisson, lorsqu'elle songeait à cette machine infernale d'unemaison de crédit, d'une maison de Bourse et d'agio, dont ellelaissait ainsi établir sous elle les rouages de ruine et de 2 chantre de laspéculation Desobligations, des obligations ! mais jamais !… Quevoulez-vous fiche avec des obligations ? C'est de lamatière morte… Comprenez donc que la spéculation, le jeu estle rouage central, le cœur même, dans une vaste affaire comme lanôtre. Oui ! il appelle le sang, il le prend partout parpetits ruisseaux, l'amasse, le renvoie en fleuves dans tous lessens, établit une énorme circulation d'argent, qui est la viemême des grandes affaires. Sans lui, les grands mouvements decapitaux, les grands travaux civilisateurs qui en résultent, sontradicalement impossibles… C'est comme pour les sociétésanonymes, a-t-on assez crié contre elles, a-t-on assez répétéqu'elles étaient des tripots et des coupe-gorge. La véritéest que, sans elles, nous n'aurions ni les chemins de fer, niaucune des énormes entreprises modernes, qui ont renouvelé lemonde ; car pas une fortune n'aurait suffi à les mener àbien, de même que pas un individu, ni même un grouped'individus, n'aurait voulu en courir les risques. Lesrisques, tout est là, et la grandeur du but aussi. Il faut unprojet vaste, dont l'ampleur saisisse l'imagination ; ilfaut l'espoir d'un gain considérable, d'un coup de loteriequi décuple la mise de fonds, quand elle ne l'emporte pas ;et alors les passions s'allument, la vie afflue, chacun apporteson argent, vous pouvez repétrir la terre. Quel mal voyez-vouslà ? Les risques courus sont volontaires, répartis sur unnombre infini de personnes, inégaux et limités selon la fortuneet l'audace de chacun. On perd, mais on gagne, on espère un bonnuméro, mais on doit s'attendre toujours à en tirer unmauvais, et l'humanité n'a pas de rêve plus entêté ni plusardent, tenter le hasard, obtenir tout de son caprice, être roi,être dieu ! »Zola,l'argent, 3 rêves de spéculateur– Ehbien, sans la spéculation, on ne ferait pas d'affaires, machère amie… Pourquoi diable voulez-vous que je sorte monargent, que je risque ma fortune, si vous ne me promettez pas unejouissance extraordinaire, un brusque bonheur qui m'ouvre leciel ?… Avec la rémunération légitime et médiocre dutravail, le sage équilibre des transactions quotidiennes, c'estun désert d'une platitude extrême que l'existence, un maraisoù toutes les forces dorment et croupissent ; tandis que,violemment, faites flamber un rêve à l'horizon, promettezqu'avec un sou on en gagnera cent, offrez à tous ces endormisde se mettre à la chasse de l'impossible, des millions conquisen deux heures, au milieu des plus effroyables casse-cou ; etla course commence, les énergies sont décuplées, la bousculadeest telle, que, tout en suant uniquement pour leur plaisir, lesgens arrivent parfois à faire des enfants, je veux dire deschoses vivantes, grandes et belles… Ah ! dame ! il y abeaucoup de saletés inutiles, mais certainement le monde finiraitsans elles. »Mme Carolines'était décidée à rire, elle aussi ; car elle n'avaitpoint de pruderie. Alors,dit-elle, votre conclusion est qu'il faut s'y résigner,puisque cela est dans le plan de la nature… Vous avez raison, lavie n'est pas propre. »Etune véritable bravoure lui était venue, à cette idée quechaque pas en avant s'était fait dans le sang et la boue. Ilfallait vouloir. Le long des murs, ses yeux n'avaient pas quittéles plans et les dessins, et l'avenir s'évoquait, des ports,des canaux, des routes, des chemins de fer, des campagnes auxfermes immenses et outillées comme des usines, des villesnouvelles, saines, intelligentes, où l'on vivait très vieux ettrès Sujets similairesL'argent - zola - résumé chapitres 7-8-9L'argent - zola - résumé chapitres1-2-3L'argent - zola - résumé chapitres 10-11-12Simmel - la philosophie de l'argent - résuméRésumé complet de l'argent de zolaDerniers articles sur le forum Réponse N°11 1648 Chapitre V marocagregAdminle 2009-08-18 142656 Le gros de ce chapitre nous déplace vers une intrigue parallèle Busch et la Méchain passent à l'assaut et comptent bien profiter de la nouvelle ascension de Saccard pour en tirer profit. Les deux corbeaux de la Bourse avaient découvert dès le chapitre I que Saccard est le père d'un fils naturel Victor dont il ne soupçonne même pas l'existence. La Méchain avait élevé le garnement après la mort de sa cousine Rosalie qui en est la Méchain et Busch avaient également mis la main sur les billets que Saccard avait signés au nom de Sicardot, le nom de sa femme morte en guise de dédommagement ; des billets et qu'il n'a pas finalement honorés puisqu'il s'est et La Méchain avaient attendu que la situation financière de Saccard s'améliore pour lui révéler l'existence de son fils naturel et exiger de lui un remboursement des billets et des autres charges, sachant bien que Saccard, en tant que veuf, n'a pas vraiment à craindre un scandale. Busch s'adresse alors à Mme Caroline pour lui révéler toute l'affaire. Pour s'assurer des dires de Busch, Caroline se déplace alors vers le bidonville de Naples dont la Méchain est la propriétaire c'est l'occasion de présenter aux lecteurs l'autre visage de Paris et du Second Empire, à travers la description de la misère affreuse qui sévit dans ce cloaque, et à travers la mise en scène des laissés pour compte de la société voir 186-188. Face aux projets pharaoniques de la Bourse et de la banque universelle où se brassent des milliards, le bidonville nous donne à voir "l'abjection humaine dans l'absolu dénuement." 188. Ce dénuement n'est pas seulement financier, mais il déteint aussi lourdement sur la morale le bidonville est non seulement un gros tas de détritus et de puanteur, il est aussi le lieu où sévit le vice et la débauche. Le petit Victor, déjà homme à 12 ans, couche avec la scrofuleuse et grosse Eulalie qui a dépassé la quarantaine qui ne tardera pas d'ailleurs à rendre à l'âme alors que Victor couche entre ses bras. Ce chapitre établit non seulement une comparaison entre le beau Paris des affaires et la banlieue misérable de la cité où vivotent les marginaux, mais on a droit aussi à une comparaison entre le luxe où vit Maxime et la misère où se meut Victor "Était-ce possible que l'existence, si dure à l'enfant de hasard, là-bas, dans le cloaque de la cité de Naples, se fût montrée si prodigue, pour celui-ci, au milieu de cette savante richesse ? Tant de saletés ignobles, la faim et l'ordure inévitable d'un côté, et de l'autre une telle recherche de l'exquis, l'abondance, la vie belle !" 193-194 Les deux fils de Saccard sont en quelque sorte les deux visages contradictoires de la même société, du même Empire, mais aussi le signe d'une instabilité du sort à l'image du destin de Saccard lui-même qui passe de la richesse la plus prodigue à la misère la plus affreuse et vice-versa. Chez les deux fils, on découvre quand même la même voracité propre à leur race, les mêmes passions, le même désir de croquer la vie à grandes dents sans faire trop d'efforts Saccard compte sur la spéculation pour y arriver, Maxime se contente de dévorer tranquillement l'héritage de sa femme morte. Victor ne déroge pas à la règle "de sa face d'enfant mûri trop vite, ne sortaient que les appétits exaspérés de sa race, une hâte, une violence à jouir, aggravées par le terreau de misère et d'exemples abominables dans lequel il avait grandi." 197 Caroline qui a décidé de cacher momentanément son existence à saccard, avait payé deux milles francs à la Méchain en attendant de payer le reste 4000 francs pour pouvoir libérer l'enfant du bidonville maudit et le loger à l'Oeuvre du Travail, dans l'espoir de le décrasser et d'atténuer les vices qu'il a acquis dès sa naissance sa mère, débauchée par nécessité, lui a donné le mauvais exemple. Mais l'attitude de Victor montre d'emblée la nature du personnage, l'influence des gènes. Lorsque Caroline lui parle de la nécessité d'apprendre un métier comme tous les locataires de l'orphelinat, sa nature de loup remonte à la surface "Il ne répondit pas, et ses yeux de jeune loup ne jetèrent plus sur ce luxe étalé, prodigué, que des regards obliques de bandit envieux avoir tout ça, mais sans rien faire ; le conquérir, s'en repaître, à la force des ongles et des dents. Dès lors, il ne fut plus là qu'en révolté, qu'en prisonnier qui rêve de vol et d'évasion." 198. Toute cette histoire a introduit des doutes dans l'âme de Caroline vis-à-vis de Saccard, mais elle va rapidement les dépasser puisqu'elle reconnaît aussi les aspects lumineux du personnage qui capable du meilleur comme du pire. Elle n'hésite pas alors à entretenir une relation quasi conjugale avec lui surtout que son frère est parti depuis des mois en Orient pour conclure des affaires au nom de la banque universelle.A la fin du chapitre, on revient donc à cette affaire de la maison de crédit, aux tracas qu'elle rencontre à ses débuts. Saccard a décidé d'augmenter le capital de la société en le doublant. Hamelin est revenu de l'orient pour présider l'assemblée et pour annoncer les gros projets qui sont sur le point d'être lancés ce qui justifie la nécessité de donner à la banque des moyens supplémentaires à la mesure des investissements qu'elle compte faire. En attendant les actions de la banque continuent à grimper dans la Bourse, à alimenter les désirs "Le terrain était préparé, le terreau impérial, fait de débris en fermentation, chauffé des appétits exaspérés, extrêmement favorable à une de ces poussées folles de la spéculation" 214 Quelques passages importants de ce chapitres Texte 1 La descente aux enfers l'autre visage de ParisLecœur serré, Mme Caroline examinait la cour, un terrainravagé, creusé de fondrières, que les ordures accumuléestransformaient en un cloaque. On jetait tout là, il n'y avaitni fosse ni puisard, c'était un fumier sans cesse accru,empoisonnant l'air ; et heureusement qu'il faisait froid,car la peste s'en dégageait, sous les grands soleils. D'unpied inquiet, elle cherchait à éviter les débris de légumes etles os, en promenant ses regards aux deux bords, sur leshabitations, des sortes de tanières sans nom, des rez-de-chausséeeffondrés à demi, masures en ruine consolidées avec lesmatériaux les plus hétéroclites. Plusieurs étaient simplementcouvertes de papier goudronné. Beaucoup n'avaient pas de porte,laissaient entrevoir des trous noirs de cave, d'où sortait unehaleine nauséabonde de misère. Des familles de huit et dixpersonnes s'entassaient dans ces charniers, sans même avoir unlit souvent, les hommes, les femmes, les enfants se pourrissantles uns les autres, comme les fruits gâtés, livrés dès lapetite enfance à l'instinctive luxure par la plus monstrueusedes promiscuités. Aussi des bandes de mioches, hâves, chétifs,mangés de la scrofule et de la syphilis héréditaires,emplissaient-elles sans cesse la cour, pauvres êtres poussés surce fumier ainsi que des champignons véreux, dans le hasard d'uneétreinte, sans qu'on sût au juste quel pouvait être le épidémie de fièvre typhoïde ou de variolesoufflait, elle balayait d'un coup au cimetière la moitié dela cité. Jevous expliquais donc, Madame, reprit la Méchain, que Victor n'apas eu de trop bons exemples sous les yeux, et qu'il seraittemps de songer à son éducation, car le voilà qui achève sesdouze ans… Du vivant de sa mère, n'est-ce pas ? ilvoyait des choses pas très convenables, attendu qu'elle ne segênait guère, quand elle était soûle. Elle amenait les hommes,et tout ça se passait devant lui… Ensuite, moi, je n'aijamais eu le temps de le surveiller d'assez près, à cause demes affaires dans Paris. Il courait toute la journée sur lesfortifications. Deux fois, j'ai dû aller le réclamer, parcequ'il avait volé, oh ! des bêtises seulement. Et puis,dès qu'il a pu, ç'a été avec les petites filles, tant sapauvre mère lui en avait montré. Avec ça, vous allez le voir, àdouze ans, c'est déjà un homme. Enfin, pour qu'il travailleun peu, je l'ai donné à la mère Eulalie, une femme qui vend àMontmartre des légumes au panier. Il l'accompagne à la Halle,il lui porte un de ses paniers. Le malheur est qu'en ce momentelle a des abcès à la cuisse… Mais nous y voici, madame,veuillez entrer. »Mme Carolineeut un mouvement de recul. C'était, au fond de la cour,derrière une véritable barricade d'immondices, un des trousles plus puants, une masure écrasée dans le sol, pareille à untas de gravats que des bouts de planches soutenaient. Il n'yavait pas de fenêtre. Il fallait que la porte, une ancienne portevitrée, doublée d'une feuille de zinc, restât ouverte, pourqu'on vît clair ; et le froid entrait, terrible. Dans uncoin, elle aperçut une paillasse, jetée simplement sur la terrebattue. Aucun autre meuble n'était reconnaissable, parmi lepêle-mêle de tonneaux éclatés, de treillages arrachés, decorbeilles à demi pourries, qui devaient servir de sièges et detables. Les murs suintaient, d'une humidité gluante. Unecrevasse, une fente verte dans le plafond noir, laissait couler lapluie, juste au pied de la paillasse. Et l'odeur, l'odeursurtout était affreuse, l'abjection humaine dans l' 2 Victor la race voraceDela cité de Naples à l'Oeuvre du Travail, boulevard Bineau,Mme Caroline ne put tirer que des monosyllabes de Victor,dont les yeux luisants dévoraient la route, les larges avenues,les passants et les maisons riches. Il ne savait pas écrire, àpeine lire, ayant toujours déserté l'école pour des bordéessur les fortifications ; et, de sa face d'enfant mûri tropvite, ne sortaient que les appétits exaspérés de sa race, unehâte, une violence à jouir, aggravées par le terreau de misèreet d'exemples abominables dans lequel il avait grandi. BoulevardBineau, ses yeux de jeune fauve étincelèrent davantage, lorsque,descendu de voiture, il traversa la cour centrale, que le bâtimentdes garçons et celui des filles bordaient à droite et à il avait fouillé d'un regard les vastes préaux plantésde beaux arbres, les cuisines revêtues de faïence, dont lesfenêtres ouvertes exhalaient des odeurs de viandes, lesréfectoires ornés de marbre, longs et hauts comme des nefs dechapelle, tout ce luxe royal que la princesse, s'entêtant àses restitutions, voulait donner aux pauvres. Puis, arrivé aufond, dans le corps de logis que l'administration occupait,promené de service en service pour être admis avec lesformalités d'usage, il écouta sonner ses souliers neufs lelong des immenses corridors, des larges escaliers, de cesdégagements inondés d'air et de lumière, d'une décorationde palais. Ses narines frémissaient, tout cela allait être Mme Caroline, redescendue au rez-de-chaussée pour lasignature d'une pièce, lui faisait suivre un nouveau couloir,elle l'amena devant une porte vitrée, et il put voir un atelieroù des garçons de son âge, debout devant des établis,apprenaient la sculpture sur bois. Vousvoyez, mon petit ami, dit-elle, on travaille ici parce qu'ilfaut travailler, si l'on veut être bien portant et heureux…Le soir, il y a des classes, et je compte, n'est-ce pas ?que vous serez sage, que vous étudierez bien… C'est vous quiallez décider de votre avenir, un avenir tel que vous ne l'avezjamais rêvé. »Unpli sombre avait coupé le front de Victor. Il ne répondit pas,et ses yeux de jeune loup ne jetèrent plus sur ce luxe étalé,prodigué, que des regards obliques de bandit envieux avoirtout ça, mais sans rien faire ; le conquérir, s'enrepaître, à la force des ongles et des dents. Dès lors, il nefut plus là qu'en révolté, qu'en prisonnier qui rêve devol et d' 3 jusqu'à l'explosionEt,en effet, Hamelin, ayant dû retarder son départ, assista avecsurprise à une hausse rapide des actions de l'Universelle. A laliquidation de la fin de mai, le cours de sept cents francs futdépassé. Il y avait là l'ordinaire résultat que produittoute augmentation de capital c'est le coup classique, lafaçon de cravacher le succès, de donner un temps de galop auxcours, à chaque émission nouvelle. Mais il y avait aussi laréelle importance des entreprises que la maison allait lancer ;et de grandes affiches jaunes, collées dans tout Paris, annonçantla prochaine exploitation des mines d'argent du Carmel,achevaient de troubler les têtes, y allumaient un commencement degriserie, cette passion qui devait croître et emporter touteraison. Le terrain était préparé, le terreau impérial, fait dedébris en fermentation, chauffé des appétits exaspérés,extrêmement favorable à une de ces poussées folles de laspéculation, qui, toutes les dix à quinze années, obstruent etempoisonnent la Bourse, ne laissant après elles que des ruines etdu sang. Déjà, les sociétés véreuses naissaient comme deschampignons, les grandes compagnies poussaient aux aventuresfinancières, une fièvre intense du jeu se déclarait, au milieude la prospérité bruyante du règne, tout un éclat de plaisiret de luxe, dont la prochaine Exposition promettait d'être lasplendeur finale, la menteuse apothéose de féerie. Et, dans levertige qui frappait la foule, parmi la bousculade des autresbelles affaires s'offrant sur le trottoir, l'Universelle enfinse mettait en marche, en puissante machine destinée à toutaffoler, à tout broyer, et que des mains violentes chauffaientsans mesure, jusqu'à l'explosion. Réponse N°12 1658 Chapitre VI 216-258Par marocagregAdminle 2009-08-19 232229 D'emblée, le chapitre VI nous déplace aux locaux du journal l'espérance que Saccard avait acheté pour faire la réclame à sa banque. C'est l'occasion de voir comment les sociétés manipulent l'opinion via des journaux ou des publications les feuilles de la Bourse par exemple de toutes sortes. Saccard qui s'est réservé un bureau dans le local de l'Espérance commence par un coup d'éclat contre Huret qui a publié encore une fois un article trop laudatif à l'égard du ministre Rougon. Saccard reproche à son puissant frère son refus de lui rendre la pareille, en lui divulguant par exemple quelques secrets qui l'avantageraient à la Bourse. Mais avant de représenter la discussion importante entre Saccard et Huret, le narrateur développe une histoire parallèle, celle de Jordan et de sa femme Marcelle et les tracas financiers que ce couple rencontre, notamment avec le terrible chiffonnier de la dette Busch la dette jadis contractée 300 francs a maintenant presque doublé. On apprend dans ce même chapitre que les Maugendre, parents de Marcelle, qui ont jusqu'ici refusé d'aider Jordan et leur fille, sont progressivement, eux qui étaient des gens de travail, pris au piège de la spéculation, à la fièvre du jeu boursier, perdant de plus en plus d'argent lors de chaque liquidation. L'arrivée de Huret au journal laisse libre cours à une colère de Saccard qui refuse de continuer à être le chantre d'un ministre qui ne lui rend pas la pareille. La discussion entre Saccard et Huret permet de souligner les rapports étroits et les complicités qui se tissent entre l'argent le milieu des finances et la politique. Saccard qui a jusque-là accepté que son journal encense les politiques de son frère, se retourne brusquement contre lui, en critiquant violemment ses choix et ses décisions, notamment sur le plan de la politique étrangère les rapports avec l'Italie, l'Autriche et la Prusse. Cédant à sa haine de Gundermann, il critique la complicité de Rougon avec la "juiverie" la haute banque. Il demande alors à Huret et à Jantrou de se mettre en sourdine, d'arrêter momentanément les louanges adressées au ministre pour lui faire comprendre la nécessité d'une contrepartie. En fait toute la colère de Saccard contre Huret se révèle en définitive comme un simple rôle joué et bien calculé pour faire comprendre à Huret qu'il doit faire plus d'efforts pour tirer profit de ses rapports avec le ministre. Ce coup d'éclat ne restera pas sans effet puisque Huret, conscient des bénéfices qu'il tire lui-même de la prospérité de la banque universelle, finira par rapporter en exclusivité une information essentielle à Saccard une information qu'il a dérobée au ministre, en faisant croire à Saccard que c'est son frère qui la lui a envoyée la nouvelle de la paix entre l'Autriche et l'Italie. Conscients de l'importance d'un tel scoop sur les cours de la Bourse, Saccard et Huret se mettent incontinent sur un pied de guerre pour faire un grand coup financier. La Bourse connaît depuis plusieurs jours, à cause de la guerre, une tendance baissière. Les deux personnages achètent à coups de millions toutes les actions mises en vente, en faisant attention à ne pas alerter les autres boursiers, à ne pas réveiller leurs soupçons ce faisant, ils commettent un véritable délit d'initiés la description de la séance boursière à partir de la page 248 - voir passage en bas prend alors les allures d'une véritable bataille qui débouche sur un désastre immense pour la plupart des spéculateurs, y compris Gundermann qui perd 8 millions d'un seul coup. Quant à Saccard et à ses associés, ils engrengent une somme faramineuse le premier triomphe de Caroline et son frère s'inquiètent de plus en plus à cause du train d'enfer avec lequel on fait fonctionner la banque, surtout que beaucoup d'irrégularités sont constamment commises par Saccard, notamment au moment du deuxième doublement du capital une grande quantité d'actions émises ne sont pas souscrites, la banque spécule sur ses propres actions, etc. Gundermann, le roi de l'or, qui vient d'essuyer une défaite douloureuse, prophétise lui aussi une imminente débâcle de la banque universselle "devant l'engouement qui accueillait l'Universelle, il avait pris position, en observateur convaincu que les succès trop rapides, les prospérités mensongères menaient aux pires désastres." 254 Il compte d'ailleurs initier, au moment opportun, une vente à la baisse des actions de l'Universselle pour entraîner et précipiter sa une chute a réellement eu lieu à la fin du chapitre la Baronne Sandorff qui a résisté quelque temps à Saccard cède enfin à ses avances et devient sa maîtresse, fait qui cause une douleur vive à Caroline qui découvre par hasard la trahison de Saccard et la réalité des sentiments qu'elle éprouve pour passages importants de ce chapitreTexte1 Argent et politiquemariage d'intérêt"Laissez-moi donc tranquille ! Il n'a pas pu faire autrement...Mais est-ce qu'il m'a jamais averti, la veille d'une hausse oud'une baisse, lui qui est si bien placé pour tout savoir ?Souvenez-vous ! vingt fois je vous ai chargé de le sonder, vousqui le voyez tous les jours, et vous en êtes encore à m'apporterun vrai renseignement utile... Ce ne serait pourtant pas si grave,un simple mot que vous me répéteriez. -Sans doute, mais il n'aime pas ça, il dit que ce sont destripotages dont on se repent toujours. -Allons donc ! est-ce qu'il a de ces scrupules avec Gundermann ! Ilfait de l'honnêteté avec moi, et il renseigne Gundermann. -Oh ! Gundermann, sans doute ! Ils ont tous besoin de Gundermann,ils ne pourraient pas faire un emprunt sans lui. " Ducoup, Saccard triompha violemment, tapant dans ses mains. "Nous y voilà donc, vous avouez ! L'empire est vendu aux juifs,aux sales juifs. Tout notre argent est condamné à tomber entreleurs pattes crochues. L'Universelle n'a plus qu'à crouler devantleur toute- puissance. " Etil exhala sa haine héréditaire, il reprit ses accusations contrecette race de trafiquants et d'usuriers, en marche depuis dessiècles à travers les peuples, dont ils sucent le sang, commeles parasites de la teigne et de la gale, allant quand même, sousles crachats et les coups, à la conquête certaine du monde,qu'ils posséderont un jour par la force invincible de l'or. Et ils'acharnait surtout contre Gundermann, cédant à sa rancuneancienne, au désir irréalisable et enragé de l'abattre, malgréle pressentiment que celui-là était la borne où ils'écraserait, s'il entrait jamais en lutte. Ah ! ce Gundermann !un Prussien à l'intérieur, bien qu'il fût né en France ! caril faisait évidemment des voeux pour la Prusse, il l'auraitvolontiers soutenue de son argent, peut-être même lasoutenait-il en secret ! N'avait-il pas osé dire, un soir, dansun salon, que, si jamais une guerre éclatait entre la Prusse etla France, cette dernière serait vaincue ! "J'en ai assez, comprenez-vous, Huret ! et mettez-vous bien çadans la tête c'est que, si mon frère ne me sert à rien,j'entends ne lui servir à rien non plus... Quand vous m'aurezapporté de sa part une bonne parole, je veux dire unrenseignement que nous puissions utiliser, je vous laisseraireprendre vos dithyrambes en sa faveur. Est-ce clair ? " C'étaittrop clair. Jantrou, qui retrouvait son Saccard, sous lethéoricien politique, s'était remis à peigner sa barbe du boutde ses doigts. Mais Huret, bousculé dans sa finasserie prudentede paysan normand, paraissait fort ennuyé, car il avait placé safortune sur les deux frères, et il aurait bien voulu ne se fâcherni avec l'un ni avec l'autre. "Vous avez raison, murmura-t-il, mettons une sourdine, d'autantplus qu'il faut voir venir l'événement. Et je vous promets detout faire pour obtenir les confidences du grand homme. A lapremière nouvelle qu'il m'apprend, je saute dans un fiacre et jevous l'apporte. " Déjà,ayant joué son rôle, Saccard plaisantait. "C'est pour vous tous que je travaille, mes bons amis... Moi, j'aitoujours été ruiné et j'ai toujours mangé un million par an. "Zola,L'Argent, 2 pris au piège...Depuisquelque temps, les Maugendre changeaient à l'égard de leurfille. Elle les trouvait moins tendres, préoccupés, lentementenvahis d'une passion nouvelle, le jeu. C'était la communehistoire le père, un gros homme calme et chauve, à favorisblancs, la mère, sèche, active, ayant gagné sa part de lafortune, tous deux vivant trop grassement dans leur maison, deleurs quinze mille francs de rentes, s'ennuyant à ne plus rienfaire. Lui, n'avait eu, dès lors, d'autre distraction que detoucher son argent. A cette époque, il tonnait contre toutespéculation, il haussait les épaules de colère et de pitié, enparlant des pauvres imbéciles qui se font dépouiller, dans untas de voleries aussi sottes que malpropres. Mais, vers cetemps-là, une somme importante lui étant rentrée, il avait eul'idée de l'employer en reports ça, ce n'était pas de laspéculation, c'était un simple placement ; seulement, à partirde ce jour, il avait pris l'habitude, après son premier déjeuner,de lire avec soin, dans son journal, la cote de la Bourse, poursuivre les cours. Et le mal était parti de là, la fièvrel'avait brûlé peu à peu, à voir la danse des valeurs, à vivredans cet air empoisonné du jeu, l'imagination hantée de millionsconquis en une heure, lui qui avait mis trente années à gagnerquelques centaines de mille francs. Il ne pouvait s'empêcher d'enentretenir sa femme, pendant chacun de leurs repas quels coups ilaurait faits, s'il n'avait pas juré de ne jamais jouer ! et ilexpliquait l'opération, il manoeuvrait ses fonds avec la savantetactique d'un général en chambre, il finissait toujours parbattre triomphalement les parties adverses imaginaires, car il sepiquait d'être devenu de première force dans les questions deprimes et de reports. Sa femme, inquiète, lui déclarait qu'elleaimerait mieux se noyer tout de suite, plutôt que de lui voirhasarder un sou ; mais il la rassurait, pour qui le prenait-elle ?Jamais de la vie ! Pourtant, une occasion s'était présentée,tous deux, depuis longtemps, avaient la folle envie de faireconstruire dans leur jardin, une petite serre de cinq ou six millefrancs ; si bien qu'un soir, les mains tremblantes d'une émotiondélicieuse, il avait posé, sur la table à ouvrage de sa femme,les six billets, en disant qu'il venait de gagner ça à la Bourse un coup dont il était sûr, une débauche qu'il promettait biende ne pas recommencer, qu'il avait risquée uniquement à cause dela serre. Elle, partagée entre la colère et le saisissement desa joie, n'avait point osé le gronder. Le mois suivant, il selançait dans une opération à primes, en lui expliquant qu'il necraignait rien, du moment où il limitait sa perte. Puis, quediable ! dans le tas, il y avait tout de même de bonnes affaires,il aurait été bien sot de laisser le voisin en profiter. Et,fatalement, il s'était mis à jouer à terme, petitement d'abord,s'enhardissant peu à peu, tandis qu'elle, toujours agitée parses angoisses de bonne ménagère, les yeux en flammes pourtant aumoindre gain, continuait à lui prédire qu'il mourrait sur 3 La bataille boursièreUneheure sonna, la cloche annonça l'ouverture du marché. Ce fut uneBourse mémorable, une de ces grandes journées de désastre, d'unde ces désastres à la hausse, si rares, dont le souvenir restelégendaire. Dans l'accablante chaleur, au début, les coursbaissèrent encore. Puis, des achats brusques, isolés, comme descoups de feu de tirailleurs avant que la bataille s'engage,étonnèrent. Mais les opérations restaient lourdes quand même,au milieu de la méfiance générale. Les achats se multiplièrent,s'allumèrent de toutes parts, à la coulisse, au parapet ; onn'entendait plus que les voix de Nathansohn sous la colonnade, deMazaud, de Jacoby, de Delarocque à la corbeille, criant qu'ilsprenaient toutes les valeurs, à tous les prix ; et ce fut alorsun frémissement, une houle croissante, sans que personne pourtantosât se risquer, dans le désarroi de ce revirement cours avaient légèrement monté, Saccard eut le temps dedonner de nouveaux ordres à Massias, pour Nathansohn. Il priaégalement le petit Flory qui passait en courant, de remettre àMazaud une fiche, où il le chargeait d'acheter, d'achetertoujours ; si bien que Flory, ayant lu la fiche, frappé d'unaccès de foi, joua le jeu de son grand homme, acheta lui aussipour son compte. Et ce fut à cette minute, à deux heures moinsun quart, que le tonnerre éclata en pleine Bourse l'Autrichecédait la Vénétie à l'empereur, la guerre était finie. D'oùvenait cette nouvelle ? personne ne le sut, elle sortait de toutesles bouches à la fois, des pavés eux-mêmes. Quelqu'un l'avaitapportée, tous la répétaient dans une clameur, qui grossissaitavec la voix haute d'une marée d'équinoxe. Par bonds furieux,les cours se mirent à monter, au milieu de l'effroyable le coup de cloche de la clôture, ils s'étaient relevés dequarante, de cinquante francs. Ce fut une mêlée inexprimable,une de ces batailles confuses où tous se ruent, soldats etcapitaines, pour sauver leur peau, assourdis, aveuglés, n'ayantplus la conscience nette de la situation. Les fronts ruisselaientde sueur, l'implacable soleil qui tapait sur les marches, mettaitla Bourse dans un flamboiement d'incendie. Et,à la liquidation, lorsqu'on put évaluer le désastre, il apparutimmense. Le champ de bataille restait jonché de blessés et deruines. Moser, le baissier, était parmi les plus expiait durement sa faiblesse, pour l'unique fois qu'ilavait désespéré de la hausse. Maugendre perdait cinquante millefrancs, sa première perte sérieuse. La baronne Sandorff eut àpayer de si grosses différences, que Delcambre, disait-on, serefusait à les donner ; et elle était toute blanche de colèreet de haine, au seul nom de son mari, le conseiller d'ambassade,qui avait eu la dépêche entre les mains avant Rougon lui- même,sans lui en rien dire. Mais la haute banque, la banque juive,surtout, avait essuyé une défaite terrible, un vrai massacre. Onaffirmait que Gundermann, simplement pour sa part, y laissait huitmillions. Et cela stupéfiait, comment n'avait-il pas été averti? lui le maître indiscuté du marché, dont les ministresn'étaient que les commis et qui tenait les Etats dans sasouveraine dépendance ! Il y avait là un de ces concours decirconstances extraordinaires qui font les grands coups du un effondrement imprévu, imbécile, en dehors de touteraison et de toute logique. Zola,L'Argent, 4 Fêter la victoireCepremier triomphe de Saccard sembla être comme une floraison del'empire à son apogée. Il entrait dans l'éclat du règne, il enétait un des reflets glorieux. Le soir même où il grandissaitparmi les fortunes écroulées, à l'heure où la Bourse n'étaitplus qu'un champ morne de décombres, Paris entier se pavoisait,s'illuminait, ainsi que pour une grande victoire ; et des fêtesaux Tuileries, des réjouissances dans les rues, célébraientNapoléon III maître de l'Europe si haut, si grand, que lesempereurs et les rois le choisissaient comme arbitre dans leursquerelles et lui remettaient des provinces pour qu'il en disposâtentre eux. A la Chambre, des voix avaient bien protesté, desprophètes de malheur annonçaient confusément le terribleavenir, la Prusse grandie de tout ce que la France avait toléré,l'Autriche battue, l'Italie ingrate. Mais des rires, des cris decolère étouffaient ces voix inquiètes, et Paris, centre dumonde, flambait par toutes ses avenues et tous ses monuments, aulendemain de Sadowa, en attendant les nuits noires et glacées,les nuits sans gaz, traversées par la mèche rouge des obus. Cesoir-là, Saccard, débordant de son succès, battit les rues, laplace de la Concorde, les Champs-Elysées, tous les trottoirs oùbrûlaient des lampions. Emporté dans le flot montant despromeneurs, les yeux aveuglés par cette clarté de plein jour, ilpouvait croire qu'on illuminait pour le fêter n'était-il pas,lui aussi, le vainqueur inattendu, celui qui s'élevait au milieudes désastres ? Un seul ennui venait de gâter sa joie, la colèrede Rougon, qui terrible, avait chassé Huret, quand il avaitcompris d'où venait le coup de Bourse. Ce n'était donc pas legrand homme qui s'était montré bon frère, en lui envoyant lanouvelle ? Faudrait-il qu'il se passât de ce haut patronage, mêmequ'il attaquât le tout-puissant ministre ? Brusquement, en facedu palais de la Légion d'honneur, que surmontait une gigantesquecroix de feu, brasillant dans le ciel noir, il en prit larésolution hardie, pour le jour où il se sentirait les reinsassez forts. Et, grisé par les chants de la foule et lesclaquements des drapeaux, il revint rue Saint-Lazare, au traversde Paris en 5 lesprospérités mensongèresEndécembre, le cours de mille francs fut dépassé. Et alors, enface de l'Universelle triomphante, la haute banque s'émut, onrencontra Gundermann, sur la place de la Bourse, l'air distrait,entrant acheter des bonbons chez le confiseur, de son pasautomatique. Il avait payé ses huit millions de perte sans uneplainte, sans qu'un seul de ses familiers eût surpris sur seslèvres une parole de colère et de rancune. Quand il perdaitainsi, chose rare, il disait d'ordinaire que c'était bien fait,que cela lui apprendrait à être moins étourdi ; et l'onsouriait, car l'étourderie de Gundermann ne s'imaginait cette fois, la dure leçon devait lui rester en travers ducoeur, l'idée d'avoir été battu par ce casse-cou de Saccard, cefou passionné, lui si froid, si maître des faits et des hommes,lui était assurément insupportable. Aussi, dès cette époque,se mit-il à le guetter, certain de sa revanche. Tout de suite,devant l'engouement qui accueillait l'Universelle, il avait prisposition, en observateur convaincu que les succès trop rapides,les prospérités mensongères menaient aux pires le cours de mille francs était encore raisonnable, etil attendait pour se mettre à la baisse. Sa théorie était qu'onne provoquait pas les événements à la Bourse, qu'on pouvait auplus les prévoir et en profiter, quand ils s'étaient logique seule régnait, la vérité était, en spéculationcomme ailleurs, une force toute-puissante. Dès que les courss'exagéreraient par trop, ils s'effondreraient la baisse alorsse ferait mathématiquement, il serait simplement là pour voirson calcul se réaliser et empocher son gain. Et, déjà, ilfixait au cours de quinze cents francs son entrée en guerre. Aquinze cents, il commença donc à vendre de l'Universelle, peud'abord, davantage à chaque liquidation, d'après un plan arrêtéd'avance. Pas besoin d'un syndicat de baissiers, lui seulsuffirait, les gens sages auraient la nette sensation de la véritéet joueraient son jeu. Cette Universelle bruyante, cetteUniverselle qui encombrait si rapidement le marché et qui sedressait comme une menace devant la haute banque juive, ilattendait froidement qu'elle se lézardât d'elle-même, pour lajeter par terre d'un coup d'épaule. Zola,L'Argent, 1-2-3Chapitres 7-8-9Chapitres 10-11-12confidentialite 100jours en enfer résumé chapitre par chapitre 31. Mai 2022 / in nasser al khelaïfi khalid al khelaifi / von / in nasser al khelaïfi khalid al khelaifi / von
Livres Ebooks & liseuses Nouveautés Coups de cœur Livres à prix réduits Bons plans Papeterie Jeux Reprise de livres Ce pack Lire des romans contient un fichier pédagogique fiches d’exercices et d’évaluation liées à la lecture des ouvrages et 25 romans "Un... Lire la suite 193,00 € Expédié sous 3 à 6 jours Livré chez vous entre le 5 septembre et le 6 septembre Ce pack Lire des romans contient un fichier pédagogique fiches d’exercices et d’évaluation liées à la lecture des ouvrages et 25 romans "Un tirailleur en enfer" Date de parution 01/01/2022 Editeur Collection ISBN 978-2-37634-248-9 EAN 9782376342489 Présentation Pack Poids Kg Dimensions 31,0 cm × 23,0 cm × 8,0 cm
Aucunedescription n'est anodine. L'analyser apprend beaucoup sur la démarche du narrateur. La description présente une organisation (du plus général au plus précis, du haut vers le bas, de la gauche vers la droite, etc.). Cette organisation donne
Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus. Il était le grand favori des prix littéraires ; la critique avait encensé son roman dès sa parution en août 2018. David Diop vient enfin de recevoir un prix le Goncourt des lycéens » créé en 1988. Ce qui a séduit les jeunes jurés? c’est la vision terrible de la Grande Guerre » entre sagesse » de l’Afrique et folie » de l’Europe. Et précisément dans le déroulé des souvenirs du narrateur, Alfa Ndiaye, ex tirailleur sénégalais qui a combattu au front sous le drapeau français, vont s’affronter deux mondes celui de l’enfer du champ de bataille où toutes les valeurs sont abolies et celui d’une terre aimante généreuse. Tout comme le lecteur sera invité à entendre deux voix dans ce thrène des temps modernes dédié à l’Ami, ce frère d’âme suis deux voix simultanées. L’une s’éloigne et l’autre croît. Cheikh Hamidou Kane L’aventure ambiguë, cité en exergue Dès l’incipit, l’aveu je sais j’ai compris je n’aurais pas dû »-qui d’ailleurs sera souvent repris en écho - énonce dans sa gradation même une prise de conscience et un regret. Un aveu qui semble émerger d’une longue période de silence -ce dont témoigneraient les points de suspension qui le narrateur se rappelle d’abord les circonstances qui ont présidé à son choix devenir sauvage. Son frère d’armes, son plus que frère » son frère d’âme précisément et le titre du roman joue sur la paronomase implicite se meurt agonise. Pour n’avoir pas répondu aux trois supplications de l’achever, empêtré par des pensées commandées par le devoir et recommandées par le respect des lois humaines », Alfa taraudé par la culpabilité décide alors de venger son plus que frère Mademba Diop. Ce que je n’ai pas fait pour Mademba je le fais pour l’ennemi aux yeux bleus. La France a besoin de notre sauvagerie alors on obéit. Mais moi je suis devenu sauvage par réflexion. Le récit d’une folie meurtrière assumée n’omet aucun détail dans la restitution quasi clinique du corps à corps avec l’ennemi d’en face et vante la fierté du travail accompli après tout, la nuit tous les sangs sont noirs ; réalisme cru certes mais en parfaite adéquation avec la barbarie de cette guerre... Entre la cinquième et la sixième main coupée,-c’est le trophée que rapporte Alfa du camp ennemi- une scène traitée en un long plan séquence en dit long sur la démence cruelle des chefs le capitaine Armand -aux yeux noyés d’une colère continue- intime l’ordre de tuer les 7 traîtres » ceux qui refusent d’obéir au sifflet de la mort ». Ecoeuré par la laideur du carnage, blâmant intérieurement la folie du capitaine, Alfa salue le courage » de ses copains dont Alphonse et Albert offerts comme du gibier aux salves ennemies… D’abord complices, les Toubabs et les Chocolats en viennent à redouter celui qu’ils assimilent à un sorcier » un démm un dévoreur d’âmes. Dès la septième main coupée, Alfa est évacué à l’Arrière. Et c’est dans le Centre où le sourire appelle le sourire, qu’il va convoquer -à partir de dessins- son passé heureux à Gandiol, sa relation avec Fary, et surtout l’amitié indéfectible qui l’a lié à Mademba Diop, -deux adolescents si dissemblables et pourtant si proches. Une évocation souvent empreinte de poésie et d’onirisme qui selon une tradition orale, tisse l’interpénétration des règnes et des espèces, dans une perspective animiste, où anamorphoses et métamorphoses semblent se rejoindre dans un cosmos originel. L’auteur prête à son personnage un regard à la fois enfantin, circonspect ingénu et ironique. Et pourtant certains épisodes frappent par leur cruauté la mère disparue et peut-être enlevée par les Maures du Nord, le mercantilisme du collecteur d’impôts -et en filigrane les ravages de la colonisation- auxquels s’oppose la sagesse du père… C’est à Mademba Diop qu’est dédié ce thrène des temps modernes. Ce roman se donne en effet à entendre comme un chant funèbre aux accents de cantilène parfois. Des cris déchirants contre l'inconcevable et des chuchotements caressants contre l'indicible. Les récurrences de certaines formules mon plus que frère, par la vérité de Dieu, la parenté à plaisanterie, les anaphores qui scandent des paragraphes ou/et les répétitions lancinantes à l’intérieur de paragraphes, la métaphore quasi omniprésente de la femme terre ont la force incantatoire de récits mythiques. Et c’est l’expression dedans dehors » déclinée dans ses sens propre et figuré et en ses multiples variations qui est le leitmotiv le dedans de la terre était dehors, le dedans de mon esprit était dehors, Fary m’a ouvert le dedans de son corps; derrière ses lunettes le docteur François regarde le dedans de nos têtes, etc. Dualité et dichotomie ! Division et antagonisme ! Alfa entre l’humain et l’inhumain !.le Corps et l’Âme ! Vers la fin du roman s’interrogeant sur sa propre identité et sur la façon de se raconter lui qui ne parle pas le français sait que la vérité de la parole n’est pas une mais double voire triple il découvre qu’il est double ».Phrases et rythme sont alors au service de cette révélation hallucinée et lucide qui allie les contraires je dépouille je vide les crânes et les corps[…} mais je suis aussi la lune rouge qui se lève sur le fleuve[…] Je suis l’innocent et le coupable ». Il sait qu’il est l’ami qu’il aurait dû achever en cette journée funeste et que son âme s’en est allée mourir dans le corps de son plus que frère ». Au final le je » renverra à Mademba Diop et le tu » à Alfa son plus que frère. L’absence d’article ou d’adjectif possessif dans le titre du roman, n’induisait-elle pas une réciprocité ? Amitié fusionnelle que Montaigne -d’ailleurs cité en exergue-, a célébrée et résumée dans cette phrase qui résonne par-delà les siècles nous nous embrassions par nos noms » A travers le parcours de ce jeune artilleur sénégalais, David Diop non seulement réhabilite la mémoire des oubliés » du carnage que fut la première mondiale tout en tordant le cou aux préjugés racistes à l'encontre des Noirs, mais en une langue originale le wolof adapté à la langue française il convertit la violence des souvenirs en appels déchirants et si profondément humains ! L’histoire du sorcier-lion est pleine de sous-entendus, celui qui la raconte peut y dissimuler une autre histoire qui pour être dévoilée doit se laisser deviner un peu…. Ainsi de Frère d’âme ?
Toutel'originalité du récit vient de la force de ce regard neuf et du solide bon sens de ce garçon courageux, un peu étonné de découvrir que les Blancs ne sont pas plus forts que les Noirs et que les cadavres ont tous la méme couleur, celle de la mort. Ici, " ILes différentes finalités des textes ALe texte narratif 1Objectif raconter Discours narratif Le discours narratif raconte une histoire. Le narrateur évoque des événements vécus par un ou plusieurs roman est composé essentiellement de discours narratif. Il raconte les événements vécus par les discours narratif se reconnaît à la présence de nombreux verbes d' Misérables, Paris, éd. Albert Lacroix et CieCet extrait relève du discours narratif car il accumule les verbes d'action "s'enfonça", "suivait", "coupa", "gagna", "longea", "dépassa", "s'arrêta". 2Actions et paroles rapportées Le discours narratif se caractérise par une succession d'actions. Celles-ci peuvent consister à échanger des paroles. Le récit se compose donc du discours du narrateur et des paroles échangées par les personnages. Ces paroles rapportées peuvent être transmises de différentes façons. Il existe plusieurs sortes de discours Un discours direct où les paroles sont rapportées comme elles ont été prononcées. Un discours indirect où les paroles sont rapportées dans des propositions subordonnées conjonctives. Un discours indirect libre où les paroles sont rapportées en s'inscrivant dans le récit sans être rapportées dans des subordonnées conjonctives. Un discours narrativisé où les paroles ne sont pas rapportées clairement mais correspondent plutôt à une sorte de résumé de ce qui a été dit. Les Misérables, Paris, éd. Albert Lacroix et CieCet extrait alterne les verbes de parole qui sont aussi des verbes d'action et les paroles rapportées directes, identifiables aux tirets en début de ligne. Ces derniers marquent la prise de parole par un nouvel interlocuteur. 3Le temps dans le texte narratif Deux systèmes temporels sont à la disposition du narrateur Le système du passé actions au passé simple, descriptions à l'imparfait, retours en arrière au plus-que-parfait, anticipations au conditionnel présent. Le système du présent actions et descriptions au présent, retours en arrière au passé composé, anticipations au futur simple. Ces deux systèmes ne peuvent pas se mélanger. Par ailleurs, les actions ne sont pas toujours proposées dans leur ordre chronologique Le narrateur peut revenir en arrière avec des analepses. Le narrateur peut anticiper la suite des événements avec des prolepses. Enfin, le lecteur peut avoir l'impression que le temps s'écoule de manière irrégulière La pause est un moment où l'action s'arrête. Le temps semble aussi s'arrêter. La scène est un événement détaillé. Elle ralentit le défilement du temps. Le sommaire est un événement long résumé. Il accélère le défilement du temps. L'ellipse occulte une partie des événements. C'est un saut dans le temps. BLe texte descriptif faire voir 1Objectif faire voir La description a pour objectif de montrer au lecteur un élément de l'espace du récit. Il peut s'agir d'un paysage, d'un bâtiment, d'un objet, d'une personne, le cas de la description d'une personne, on parle de Misérables, Paris, éd. Albert Lacroix et CieCet extrait montre à voir la physionomie du personnage nommé Montparnasse. 2Des états et des précisions La description emploie essentiellement Des verbes d'état Des verbes conjugués à l'imparfait de l'indicatif L'imparfait, qui caractérise des durées indéterminées, est propice à la description donne à voir des paysages, des objets, des lieux, des personnages. L'auteur prend le temps de détailler un élément important du récit. Les précisions sont apportées par Des adjectifs qualificatifs souvent appréciatifs Des groupes nominaux prépositionnels compléments du nom Des propositions subordonnées relatives Des métaphores et des comparaisons Des champs lexicaux Par ailleurs, les noms et les adjectifs qualificatifs employés peuvent être connotés positivement ou négativement. On nomme ces précisions la caractérisation de la description. Le Père Goriot, Paris, éd. Edmond Werdet, coll. "Scènes de la vie privée"Cette description de la salle à manger de la pension accumule les verbes d'état, les expansions du nom et un lexique connoté négativement. Le texte nous fait voir un intérieur défraîchi et inhospitalier. 3L'espace dans la description La description donne à voir certains éléments importants du récit, comme les lieux ou les personnages. Aucune description n'est anodine. L'analyser apprend beaucoup sur la démarche du description présente une organisation du plus général au plus précis, du haut vers le bas, de la gauche vers la droite, etc.. Cette organisation donne des pistes d'interprétation sur la démarche du narrateur. Pour analyser l'organisation de la description, il faut observer La liste des éléments décrits pour en comprendre la progression Les connecteurs spatiaux Les compléments circonstanciels de lieu Le Ventre de Paris, Paris, éd. Charpentier 1878Cette description des Halles de Paris est organisée elle part de la charpente pour redescendre sur les étals. Par ailleurs, les éléments décrits sont caractérisés par différentes expansions du nom et des métaphores. CLe texte explicatif 1Objectif informer le lecteur Le texte explicatif a pour fonction de répondre à différentes questions que pourrait se poser le lecteur. Le discours est donc centré sur l' mille lieues sous les mers, éd. Pierre-Jules HetzelDans cet extrait, le capitaine Nemo explique le fonctionnement des différents accessoires de navigation du Nautilus. 2Un discours encyclopédique Le discours explicatif se caractérise par L'absence ou l'effacement du locuteur L'utilisation du présent de l'indicatif à valeur de vérité générale Un vocabulaire technique et spécifique Denis Diderot et Jean Le Rond d'Alembert"Calcul", Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences et des artsDans cet extrait, le locuteur est totalement absent. Par ailleurs, le discours est au présent de l'indicatif. On relève l'emploi de termes spécifiques comme "combinaison". Il s'agit bien d'un article encyclopédique. 3Une organisation progressive Le discours explicatif est organisé. Il présente une progression Soit temporelle logique chronologique Soit logique de la cause vers la conséquence logique déductive Soit logique de la conséquence vers la cause logique inductive Il convient donc de relever les connecteurs logiques afin de percevoir la progression du discours. Au Bonheur des Dames, Paris, éd. CharpentierCe texte explicatif présente une progression chronologique. Celle-ci est notable à l'utilisation des connecteurs logiques "d'abord" et "puis". DLe texte argumentatif 1Objectif faire adhérer le lecteur Le discours argumentatif exprime une opinion défendue par le locuteur qui étaye, soutient ou réfute des idées. Celui-ci veut faire adhérer le lecteur à cette Badinter, ministre de la JusticeDiscours de Robert Badinter, à l'Assemblée nationale pour l'abolition de la peine de mort en France, ParisDans cette fin de discours, Robert Badinter s'implique dans son discours et invite l'auditoire, composé de sénateurs et de députés, à adhérer à la loi d'abolition de la peine de mort. 2Un locuteur engagé Le locuteur exprime son opinion par divers procédés Le présent d'énonciation et le présent de vérité générale Des verbes d'opinion ou de jugement Des adverbes modalisateurs Des figures par opposition antithèse, paradoxe, etc., des figures d'amplification énumération, gradation, etc. ou encore d'atténuation euphémisme, litote, etc. La présence de la première personne du singulier Des adresses au lecteur 2e personne du singulier, questions rhétoriques, etc. Un vocabulaire connoté positivement ou négativement Le Rouge et le Noir, Paris, éd. LevasseurDans cet extrait, Julien s'implique en employant la première personne du singulier. Par ailleurs, il emploie des termes connotés et des figures par analogie comme la comparaison. 3Un discours organisé Le discours argumentatif est organisé au moyen de connecteurs logiques exprimant La cause La conséquence L'addition L'opposition Actuelles III. Chroniques 1939-1958. Chroniques algériennes, Paris, éd. Gallimard, NRF, coll. "Blanche"Dans cet extrait, l'auteur manifeste une progression logique grâce à des connecteurs comme "en effet" ou "alors". ETableau récapitulatif des types de textes Texte narratif Texte descriptif Texte explicatif Texte argumentatif Genres littéraires RomanNouvelleFableConte RomanNouvelleFableContePoésieÉlogeBlâme Article de presseArticle de dictionnaire Essai Apologue DialogueArticle de l'Encyclopédie XVIIIe Fonctions Raconter une histoire Décrire un personnage, un objet ou un lieu Informer et détailler Convaincre, persuader, délibérer, démontrer Caractéristiques Temps du récit passé simple, imparfait, présent de narration Indices spatio-temporels Schéma narratif situation initiale, élément perturbateur, péripéties, élément de résolution, situation finale Temps de la description imparfait, présent Pause dans l'action Nombreux adjectifs Nombreux compléments du nom Nombreuses figures de style analogiques Temps du texte explicatif le plus souvent, présent de vérité générale Nombreux connecteurs logiques Pas de marques d'énonciation, pas de présence du narrateur / locuteur Vocabulaire précis et clair Phrases courtes Temps de l'argumentation tous les temps mais souvent présent Marques d'énonciation fortes "je", "moi", "à mon avis", "me", etc. Connecteurs logiques Arguments et exemples IIDécrypter le texte pour en comprendre la finalité ALes différences de registre de langue 1Le registre courant Le registre courant correspond à une utilisation correcte et quotidienne du discours. On le reconnaît à Des phrases simples mais bien construites Un vocabulaire courant et neutre L'absence de figures de style Pot-Bouille, Paris, éd. CharpentierLa simplicité des phrases et l'absence de vocabulaire connoté montrent un registre courant. 2Le registre soutenu Le registre soutenu manifeste une recherche esthétique dans la construction du discours. Celui-ci se reconnaît à Des phrases longues, souvent complexes Un vocabulaire spécialisé, technique, spécifique ou imagé Des figures de style Du côté de chez Swann, Paris, éd. GrassetLa longueur des phrases de cet extrait est caractéristique du registre soutenu. 3Le registre familier Le registre familier manifeste un relâchement du langage. On le reconnaît à Des phrases aux constructions grammaticalement incorrectes La présence de mots issus de langues populaires comme l'argot ou du verlan, régionales ou étrangères Des analogies en lien avec des éléments matériels Un vocabulaire connoté Voyage au bout de la nuit, Paris, éd. Denoël et SteeleLe registre familier se reconnaît à la construction incorrecte des phrases et à l'emploi de mots appartenant à l'argot comme "chique". BL'usage du vocabulaire 1Le champ lexical Champ lexical Le champ lexical est un ensemble de mots faisant référence à un thème champ lexical de la peur est très répandu dans les récits fantastiques."Le Horla", dans le recueil de nouvelles Le Horla, Paris, éd. Paul OllendorfCet extrait contient un champ lexical de la peur. En effet, on relève les mots "frisson", "effrayante", "angoisse" et "épouvantable". 2Le champ sémantique Champ sémantique Le champ sémantique est l'ensemble des sens accordés à un mot. Le mot "lit" a plusieurs sens. On distingue ainsi L'objet sur lequel s'étend un être humain. L'espace dans lequel s'écoule un fleuve ou une rivière.
Résuméou extrait Tierno, un jeune Peul de 17 ans, est enrôlé malgré lui pour partir en France livrer bataille aux Allemands pendant la Première Guerre mondiale. Son histoire est celle des tirailleurs sénégalais recrutés pour renforcer les troupes françaises engagées sur
regarder 0140 The Sandman Will Keep You Awake - The Loop Résumé Un simple accident[] Suite à de nombreuses moqueries concernant le poids de sa mère de la part de Samantha Jennings, James Choke la saisit par le col et la plaque contre le mur de la salle de classe. N'ayant pas vu le clou rouillé qui dépassait de ce dernier, Samantha s'ouvre la joue. La professeur de physique-chimie, Cassandra Voolt, essaye d'empêcher James de s'enfuir, en vain. Alors, James quitte le collège et se réfugie dans un tunnel en béton, dans un parc. Après une heure passée dans celui-ci, il décide de rentrer chez lui et d'affronter sa mère qui devait avoir été mise au courant de l'incident qui s'était passé au collège. En entrant dans le vestibule, James jette un coup d’œil au téléphone et constate que le directeur de l'école a appelé douze fois sans parvenir à joindre sa mère, Gwen Choke. Alors, il va dans le salon et voit cette dernière affalée sur le sofa avec son beau-père, Ron Onions. De toute évidence, ils sont tous les deux ivres et James rappelle à sa mère qu'elle n'a pas le droit de boire à cause d'un traitement qu'elle prend. Après avoir bataillé avec son beau-père, James est contraint d'aller chercher sa petite sœur Lauren à l'école. En partant de la maison, il emporte quarante livres pour acheter de quoi à manger pour sa sœur et lui.

extesphilo 6 est une base de données de textes philosophiques, qui joue le même rôle qu’un recueil de textes classiques, mais également qu’un manuel de cours, le côté pratique de l’informatique en Pagination. Page suivante Suivant > Académie de Grenoble www.ac-grenoble.fr. Ministère de l'Éducation Nationale et de la Jeunesse education.gouv.fr. Rectorat de

2,50€ Bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ 2,50€ Bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ 2,50€ Très bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ 5 autres livres à partir de 2,00€ Description Un tirailleur en enferLivre d'occasion écrit par Yves Pinguillyparu en 2008 aux éditions Nathan, Nathan Jeunesse, Les romans de la Fetkann ! de la Jeunesse 200412 ANS ET +, ROMANS, TEMOIGNAGES & CO, ROMANS, TEMOIGNAGES & CO132 pages, BrochéCode ISBN / EAN 9782092111666La photo de couverture n’est pas contractuelle. En lire plus Auteur Yves pinguilly Editions Nathan Année 2008 Collection Les romans de la mémoire Marque_editoriale Nathan Jeunesse Reliure Broché Langue Français Format Moyen ISBN 9782092111666 Options de livraison Plusieurs options de livraison vous seront proposées lors de la finalisation de votre achat selon le vendeur que vous aurez sélectionné. La plus grande librairie solidaire en ligne Dans la librairie de Label Emmaüs, vous avez à disposition plus d'un million d'ouvrages, sélectionnés et triés avec soin par des salariés en parcours d'insertion professionnelle. 100% des livres sont d'occasion ! À chaque livre que vous achetez, vous contribuez au réemploi et à l'insertion professionnelle. Vous favorisez aussi l'accès à la culture pour toutes et tous. Les Garanties Label Emmaüs Paiement sécurisé Label Emmaüs vous procure une expérience d’achat en ligne sécurisée grâce à la technologie Hipay et aux protocoles 3D Secure et SSL. Satisfait ou remboursé Nous nous engageons à vous rembourser tout objet qui ne vous satisferait pas dans un délai de 14 jours à compter de la réception de votre commande. 2,50€ Bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ 2,50€ Bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ 2,50€ Très bon état Le Lien Livraison à partir de 3,00€ PRIX ÉTAT VENDU PAR FERMER 7 autres livres à partir de 2,00€ VOIR Ça va vous plaire Voici une sélection de produits similaires

Danslequel Rogue prend le livre de Harry, qui aperçoit sa jambe blessée. Harry joue son premier match de Quidditch contre Serpentard durant lequel quelqu’un a ensorcelé son balai ; il parvient néanmoins à attraper le Vif d’or et fait remporter le match à son équipe. Plus tard, Hagrid laisse échapper un secret.

Réponsebonjour je ne sais pas si cela peut t'aider mais j'ai pris ce resumer je n'ai jamais lu ce livre, après tu a sûrement un resumer derrière ton livre. Explications A travers l’histoire de Tierno, un jeune homme peulh de dix-sept ans originaire du Fouta-djalon, une région de l’actuelle république de Guinée, Yves Pinguilly retrace le destin de ces 600 000 Africains arrachés à leur famille, leur village, leurs traditions, et propulsés dans l’enfer des combats. Nous sommes en 1915, Tierno fait la fierté de sa famille parce qu’il a le privilège de pouvoir poursuivre ses études à Dakar, mais là, il sera embarqué de force, en compagnie d’Aboubacar, un Soussou qui devient son ami, par un recruteur, à destination du sud de la France où, comme lui, des milliers de jeunes Africains vont apprendre à faire la guerre avant de faire la guerre ». Puis ce sera l’horreur de Verdun, la boue, les tranchées, la peur, la mort des camarades et les hommes qu’il faut tuer pour se sauver soi-même. soirée !!
Arlequinet Pétassou sont les compagnons du génie du chanvre, ils maîtrisent le souffle fécondateur qui circule au temps de Carnaval, car le chanvre est « lieur d’âmes », nous le savons depuis les travaux de Claude Gaignebet. ARLEQUIN AUJOURD’HUI. Un mot sur la place du masque dans le théâtre contemporain : Résumé et recueil de citations établis par Bernard MARTIAL, professeur de lettres en CPGE. Entre … changement de page dans l’édition du Livre de poche n°6524. 1ère partie, p. 22 à 142 LE FEU Journal d'une escouade 1916. À LA MÉMOIRE DES CAMARADES TOMBÉS À CÔTÉ DE MOI À CROUŸ ET SUR LA CÔTE 119. H. B. I. LA VISION Des hommes sont installés à la terrasse du premier étage d’un sanatorium donnant sur la Dent du Midi, l’Aiguille Verte et le Mont Blanc. Silence. Les hommes sont repliés sur eux-mêmes, et pensent à leur vie et à leur mort ». Une servante, habillée de blanc, distribue les journaux. C’est chose faite, dit celui qui a déployé le premier son journal, la guerre est déclarée. […] 24 — C’est un crime que commet l’Autriche, dit l’Autrichien. — Il faut que la France soit victorieuse, dit l’Anglais. — J’espère que l’Allemagne sera vaincue, dit l’Allemand. » Le silence est plein de la révélation qui vient d’être apportée La guerre ! » Sur ce paysage, ils croient voir apparaître la guerre. Des multitudes fourmillent par masses distinctes. Sur des champs, des assauts, vague par vague, se propagent, puis s’immobilisent ; des maisons sont éventrées comme des hommes, et des villes comme des maisons, des villages apparaissent en blancheurs émiettées, comme s’ils étaient tombés du ciel sur la terre, des chargements de morts et des blessés épouvantables changent la forme des plaines. 25 On voit chaque nation dont le bord est rongé de massacres, qui s’arrache sans cesse du cœur de nouveaux soldats pleins de force et pleins de sang ; on suit des yeux ces affluents vivants d’un fleuve de mort. Au Nord, au Sud, à l’Ouest, ce sont des batailles, de tous côtés, dans la distance. On peut se tourner dans un sens ou l’autre de l’étendue il n’y en a pas un seul au bout duquel la guerre ne soit pas. Un des voyants pâles, se soulevant sur son coude, énumère et dénombre les belligérants actuels et futurs trente millions de soldats. Un autre balbutie, les jeux pleins de tueries — Deux armées aux prises, c’est une grande armée qui se suicide. — On n’aurait pas dû, dit la voix profonde et caverneuse du premier de la rangée. Mais un autre dit — C’est la Révolution française qui recommence. — Gare aux trônes ! annonce le murmure d’un autre. Le troisième ajoute — C’est peut-être la guerre suprême. Il y a un silence, puis quelques fronts, encore blanchis par la fade tragédie de la nuit où transpire l’insomnie, se secouent. — Arrêter les guerres ! Est-ce possible ! Arrêter les guerres ! La plaie du monde est inguérissable. » Quelqu’un tousse. Le calme des paysages submerge ces visions et les parleurs rentrent en eux, préoccupés par leurs poumons. Le soir, un orage éclate sur le massif du Mont-Blanc et les hommes regardent les coups de tonnerre éclater sur la montagne. 26 — Arrêter la guerre ! disent-ils. Arrêter les orages ! » Les visions de l’orage se confondent avec le spectacle de la guerre Mais les contemplateurs placés au seuil du monde, lavés des passions des partis, délivrés des notions acquises, des aveuglements, de l’emprise des traditions, éprouvent vaguement la simplicité des choses et les possibilités béantes… Celui qui est au bout de la rangée s’écrie — On voit, en bas, des choses qui rampent. — Oui… c’est comme des choses vivantes. — Des espèces de plantes… — Des espèces d’hommes. Voilà que dans les lueurs sinistres de l’orage, au-dessous des nuages noirs échevelés, étirés et déployés sur la terre comme de mauvais anges, il leur semble voir s’étendre une grande plaine livide. Dans leur vision, des formes sortent de la plaine, qui est faite de boue et d’eau, et se cramponnent à la surface du sol, aveuglées et écrasées de fange, comme des naufragés monstrueux. Et il leur semble que ce sont des soldats. La plaine, qui ruisselle, striée de longs canaux parallèles, creusée de trous d’eau, est immense, et ces naufragés qui cherchent à se déterrer d’elle sont une multitude… Mais les trente millions d’esclaves jetés les uns sur les autres par le crime et l’erreur, dans la guerre de la boue, lèvent leurs faces humaines où germe enfin une volonté. L’avenir est dans les mains des esclaves 27, et on voit bien que le vieux monde sera changé par l’alliance que bâtiront un jour entre eux ceux dont le nombre et la misère sont infinis. » II. DANS LA TERRE Sur le champ de bataille le ciel, la terre et l’eau. La tranchée 28 Des espèces d’ours c’est nous ! Je vois des ombres émerger de ces puits latéraux, et se mouvoir, masses énormes et difformes des espèces d’ours qui pataugent et grognent. C’est nous ». Enterrés au fond d’un champ de bataille depuis plus de quinze mois, depuis cinq cents jours. Présentation des hommes de l’escouade Paradis 29, Volpatte et Firmin 30, Lamuse, Biquet, Tirette, le père Blaise 31, Barque… Blaire se fâcha. Ses sourcils se froncèrent sous son front où s’accumulait la noirceur. — Qu’est-c’ que tu m’embêtes, toi ? Et pis après ? C’est la guerre. Et toi, face d’haricot, tu crois p’t’être que ça n’te change pas la trompette et les manières, la guerre ? Ben, r’garde-toi, bec de singe, peau d’fesse ! Faut-il qu’un homme soye bête pour sortir des choses comme v’là toi ! » 32 … Marthereau, Tirloir, Pépin 33, Tulacque. Regroupement de l’escouade de Bertrand et de la moitié de la section à un coude de la tranchée 34. Notre compagnie occupe en réserve, une parallèle de 2e ligne. La nuit travaux de terrassement, le jour attente. Début de l’aube. Les divers accoutrements des hommes Pépin, Barque, Lamuse, Eudore, Tulacque, les casques 35 Biquet, Cadilhac, les jambes ! Volpatte, Mesnil André, Tirette, Marthereau, Pépin, Barque 36. Histoire des bottes du fantassin allemand prises par Caron à un mitrailleur bavarois abattu près de la route des Pylônes et confiées à Poterloo au moment de son évacuation. Comment chacun s’occupe Mesnil Joseph, blaire, Marthereau, Lamuse, Eudore, Volpatte, Mesnil André 37 Barque. Trois générations de soldats Nos âges ? Nous avons tous les âges. Notre régiment est un régiment de réserve que des renforts successifs ont renouvelé en partie avec de l’active, en partie avec de la territoriale. Dans la demi-section, il y a des des bleus et des demi-poils. Fouillade a quarante ans. Blaire pourrait être le père de Biquet, qui est un duvetier de la classe 13. Le caporal appelle Marthereau grand-père » ou vieux détritus » selon qu’il plaisante ou qu’il parle sérieusement. Mesnil Joseph serait à la caserne s’il n’y avait pas eu la guerre. Cela fait un drôle d’effet quand nous sommes conduits par notre sergent Vigile, un gentil petit garçon qui a un peu de moustache peinte sur la lèvre, et qui, l’autre jour, au cantonnement, sautait à la corde avec des gosses. Dans notre groupe disparate, dans cette famille sans famille, dans ce foyer sans foyer qui nous groupe, il y a, côte à côte, trois générations qui sont là, à vivre, à attendre, à s’immobiliser, comme des statues informes, comme des bornes ». Originaires de toutes les régions Nos races ? Nous sommes toutes les races ». Poterloo, mineur de Calonne, Fouillade, batelier de Cette 38, Cocon de Lyon, Biquet le Breton, André Mesnil le Normand, Lamuse, paysan du Poitou, Barque, le Parisien,, Tirette de Clichy-la-Garenne, Paradis du Morvan. Nos métiers ? Un peu tout dans le tas ». Laboureurs et ouvriers pour la plupart. Lamuse, valet de ferme, Paradis, charretier, Cadilhac a des terres, Père Blaise, métayer dans la Brie, barque, garçon livreur, le Caporal Bertrand, contremaître dans une manufacture de gainerie 39, Tirloir, peintre de voitures, Tirloir, bistrotier à la barrière du Trône, Eudore tient un estaminet près du front, Mesnil André, pharmacien, son frère Mesnil Joseph, vendeur de journaux dans une gare, Cocon, quincailler, Becuwe Adolphe et Poterloo, mineurs. Plus ceux dont on ne se rappelle pas le métier ou que l’on confond Pépin qui n’en a pas. Pas de profession libérale autour de moi. Des instituteurs sont sous-officiers à la compagnie ou infirmiers. Dans le régiment, un frère mariste est sergent au service de santé ; un ténor, cycliste du major ; un avocat, secrétaire du colonel ; un rentier, caporal d’ordinaire à la Compagnie Hors Rang. Ici, rien de tout cela. Nous sommes des soldats combattants, nous autres, et il n’y a presque pas d’intellectuels, d’artistes ou de riches qui, pendant cette guerre 40, auront risqué leurs figures aux créneaux, sinon en passant, ou sous des képis galonnés ». On diffère profondément… mais pourtant on se ressemble diversités d’âges, d’origine, de situation, mêmes silhouettes, mêmes mœurs, mêmes habitudes, même caractère simplifié d’hommes revenus à l’état primitif », même parler, fait d’un mélange d’argots et de patois. Et puis, ici, attachés ensemble par un destin irrémédiable, emportés malgré nous sur le même rang, par l’immense aventure, on est bien forcé, avec les semaines et les nuits, d’aller se ressemblant. L’étroitesse terrible de la vie commune nous serre, nous adapte, nous efface les uns dans les autres. C’est une espèce de contagion fatale. Si bien qu’un soldat apparaît pareil à un autre sans qu’il soit nécessaire, pour voir cette similitude, de les regarder de loin, aux distances où nous ne sommes que des grains de la poussière qui roule dans la plaine ». On attend et on se fatigue d’attendre On attend toujours, dans l’état de guerre. On est devenus des machines à attendre ». On attend la soupe, puis les lettres 41 ; après on attend autre chose. Récriminations pour la soupe. 42-43 Arrivée du ravitaillement. 44-45 Satisfaction et plaisanteries obscènes. 46 Du café et du tabac. Conversations et altercations dispute entre Pépin et Tulacque 47, Lamuse s’interpose 48. Hier, c’était Plaisance qui voulait se battre avec Fumex, me dit Paradis. La journée s’avance. Brouillard et humidité. Cocon explique la situation des tranchées Il y a dans le secteur du régiment quinze lignes de tranchées françaises, les unes abandonnées, envahies par l’herbe et quasi nivelées, les autres entretenues à vif et hérissées d’hommes. Ces parallèles sont réunies par des boyaux innombrables qui tournent et font des crochets comme de vieilles rues. Le réseau est plus compact encore que nous le croyons, nous qui vivons dedans. Sur les vingt-cinq kilomètres de largeur qui forment le front de l’armée, il faut compter mille kilomètres de lignes creuses tranchées, boyaux, sapes. Et l’armée française a dix armées. Il y a donc, du côté français, environ dix mille kilomètres de 49 tranchées et autant du côté allemand… Et le front français n’est à peu près que la huitième partie du front de la guerre sur la surface du monde ». Conversation entre les hommes C’est vrai, quand on y pense, qu’un soldat — ou même plusieurs soldats — ce n’est rien, c’est moins que rien dans la multitude, et alors on se trouve tout perdu, noyé, comme quelques gouttes de sang qu’on est, parmi ce déluge d’hommes et de choses » dit Barque 50. Il faut empêcher les Boches de passer caporal Bertrand. Fouillade rouspète. Moi, dit Barque, je ne rouspète plus. Au commencement, je rouspétais contre tout le monde, contre ceux de l’arrière, contre les civils, contre l’habitant, contre les embusqués. Oui, j’rouspétais, mais c’était au commencement de la guerre, j’étais jeune. Maint’nant, j’prends mieux les choses ». Prendre les choses comme elles viennent, vivre au jour le jour, faire ce qu’on nous dit de faire Faut vivre au jour le jour, heure par heure même, si tu peux […] Les faces cuites, tannées, incrustées de poussière, opinent, se taisent. Évidemment, c’est là l’idée de ces 51 hommes qui ont, il y a un an et demi, quitté tous les coins du pays pour se masser sur la frontière ». Renoncement à comprendre, et renoncement à être soi-même ; espérance de ne pas mourir et lutte pour vivre le mieux possible. Faire ce qu’on doit et se démerder Chacun pour soi, à la guerre ! » Souvenirs de Barque, Tirloir, Lamuse, Paradis, Blaire, Pépin le bon temps » passé à Soissons ville quasi évacuée pendant plusieurs mois 52. Une époque d’abondance du poulet, du lapin, de l’argent. Au milieu de tout ça, on courait après le feu. le cantonnement de la Martin César, le cuistot qui trouvait toujours de quoi faire du feu un violon, des queues de billard 53, des fauteuils de salon, un vieux meuble. Les chapardages le lieutenant Virvin défonçant la porte d’une cave à coups de hache, Saladin, l’officier de ravitaillement volant deux bouteilles de blanc. Le cuistot est mort d’une crise cardiaque, on l’a enterré 54. Les soldats essaient de se débrouiller pour éviter les corvées sauf quand les copains sont en danger ex. de Lamuse, virtuose du tirage au flanc qui a sauvé la vie à des blessés en allant les chercher dans la fusillade. Presque tous les gars de l’escouade ont quelque haut fait militaire à leur actif et, successivement, les croix de guerre se sont alignées sur leurs poitrines ». Aux attaques de mai, Biquet a attrapé quatre Allemands. il y a deux mois, Tulacque en a tué neuf. Tulacque 55, Tirloir, Eudore n’ont rien contre les simples soldats allemands mais ils en veulent aux officiers. En tous cas, on n’est pas fixé pour les hommes, reprend Tirloir, mais les officiers allemands, non, non, non pas des hommes, des monstres. Mon vieux, c’est vraiment une sale vermine spéciale. Tu peux dire que c’est les microbes de la guerre. Il faut les avoir vus de près, ces affreux grands raides, maigres comme des clous, et qui ont tout de même des têtes de veaux ». Tirloir se souvient d’un colonel prussien aristocrate qui le méprisait. Il lui a donné un coup de pied au cul. Blaire 56 et Pépin évoquent les allemands qu’ils n’hésiteront à tuer et tous leurs objets qu’ils pourront revendre couvercles d’argent, pistolets, jumelles, casques. Pépin compte bien avoir les frusques d’un galonné de Guillaume. — T’en fais pas j’saurai bien goupiller ça avant que la guerre finisse. — Tu crois à la finition de la guerre, toi ? demande l’un. — T’en fais pas, répond l’autre ». Arrivée d’un groupe deux officiers d’état-major avec des civils. Des touristes des tranchées 57. Le capitaine leur montre une banquette de tir. Deux hommes s’approchent de nous Ah ! ah ! fait le premier monsieur, voilà des poilus… Ce sont de vrais poilus, en effet » 58. Les hommes nous regardent en train de boire notre café comme des animaux au zoo. — C’est bon, mes amis ? […] — C’est très bien, c’est très bien, mes amis. Vous êtes des braves ! ». Nous réalisons en entendant un officier que ces hommes étaient des journalistes ; Barque se moque de la propagande et des mensonges des journalistes Le kronprinz est fou, après avoir été tué au commencement de la campagne, et, en attendant, il a toutes les maladies qu’on veut. Guillaume va mourir ce soir et remourir demain. Les Allemands n’ont plus de munitions, becquètent du bois ; ils ne peuvent plus tenir, d’après les calculs les plus autorisés, que 59 jusqu’à la fin de la semaine. On les aura quand on voudra, l’arme à la bretelle. Si on attend quèq’jours encore, c’est que nous n’avons pas envie d’quitter l’existence des tranchées ; on y est si bien, avec l’eau, le gaz, les douches à tous les étages. Le seul inconvénient, c’est qu’il y fait un peu trop chaud l’hiver… Quant aux Autrichiens, y a longtemps qu’euss i’ s n’tiennent plus i’ font semblant… » V’là quinze mois que c’est comme ça et que l’directeur dit à ses scribes Eh ! les poteaux, j’tez-en un coup, tâchez moyen de m’décrotter ça en cinq sec et de l’délayer sur la longueur de ces quatre sacrées feuilles blanches qu’on a à salir. » Le caporal fait remarquer aux hommes qu’ils sont les premiers à vouloir lire les journaux. L’attention se disperse. Une partie de manille. Cocon et Tirette évoquent leurs souvenirs de caserne sujet de conversation inépuisable 60. Les anecdotes des ex-troupiers défi à un gradé. Arrivée du vaguemestre militaire chargé du service postal. De mauvaise humeur. Il distribue le courrier 61 et transmet les ordres du général commandant l’armée défense de porter des capuchons, ordre de tailler les barbes. D’autres nouvelles aussi incertaines que fantaisistes la division serait relevée pour aller soit au repos soit au Maroc ou en Egypte 62. On veut savoir d’où viennent ces informations. Le bon sens reprend le dessus et chasse le rêve. Les lettres reçues et celles qu’il faut écrire Tirloir et Eudore. Barque est inspiré 63, Lamuse beaucoup moins, Eudore est ému. Le moment des lettres est celui où l’on est le plus et le mieux ce que l’on fut. Plusieurs hommes s’abandonnent au passé […]. Sous l’écorce des formes grossières et obscurcies, d’autres cœurs laissent murmurer tout haut un souvenir » Le père Blaire fabrique une bague pour sa 64 femme. Dans ces trous dénudés de la terre, ces hommes […] ont l’air encore plus sauvages, plus primitifs, et plus humains, que sous tout autre aspect » Un adjudant passe avec une compagnie de territoriaux chargés dans le secteur des travaux de terrassement de seconde ligne et de l’entretien des boyaux d’arrière. Des petits vieux mal fagotés ou de gros poussifs avec leurs outils 65. Tirette et Barque se moquent d’eux ; ils prennent à partie deux hommes ce qui fait rire les autres. Il n’en faut pas davantage pour exciter encore les 66 deux compères que le désir de placer un mot jugé drôle par un public peu difficile incite à tourner en dérision les ridicules de ces vieux frères d’armes qui peinent nuit et jour, au bord de la grande guerre, pour préparer et réparer les champs de bataille. Et même les autres spectateurs s’y mettent aussi. Misérables, ils raillent plus misérables qu’eux. » Les soldats continuent leurs railleries. Le défilé des vétérans se termine au milieu des sarcasmes. 67 Crépuscule. Défilé d’une troupe de tabors soldats marocains avec un tirailleur sénégalais. Ceux-là, on ne s’en moque pas. Leur passage est l’indice d’une attaque prochaine. Ce sont des soldats courageux. 68 — Au fond, ce sont de vrais soldats. — Nous ne sommes pas des soldats, nous, nous sommes des hommes, dit le gros Lamuse. L’heure s’est assombrie et pourtant cette parole juste et claire met comme une lueur sur ceux qui sont ici, à attendre, depuis ce matin, et depuis des mois. Ils sont des hommes, des bonshommes quelconques arrachés brusquement à la vie. Comme des hommes quelconques pris dans la masse, ils sont ignorants, peu emballés, à vue bornée, pleins d’un gros bon sens, qui, parfois, déraille ; enclins à se laisser conduire et à faire ce qu’on leur dit de faire, résistants à la peine, capables de souffrir longtemps. Ce sont de simples hommes qu’on a simplifiés encore, et dont, par la force des choses, les seuls instincts primordiaux s’accentuent instinct de la conservation, égoïsme, espoir tenace de survivre toujours, joie de manger, de boire et de dormir ». La nuit tombe. Ordre de rassemblement de la deuxième demi-section devant le dépôt d’outils 69. Chacun prend une pelle et une pioche. Coups de tonnerre dans le ciel. DESCENTE Arrivée du 6e Bataillon à la fin de la nuit dans un champ près du bois des Alleux 70. Nous attendons le reste du 5e Bataillon qui était en première ligne. La relève qui a commencé hier à six heures et a duré toute la nuit est finie. La 18e Compagnie a eu dix-huit tués et une cinquantaine de blessés à cause des bombardements. Arrivées de la 17e, de la 18e et de la 20e. Le capitaine de la 18e compagnie passe avec sa canne 71. Je vais au devant de la 18e. Des hommes qui reviennent de l’enfer. Vacarme épouvantable. La 2e section avec son sous-lieutenant. Des onze hommes de l’escouade du caporal Marchal, il n’en reste plus que trois. Marchal m’apprend la mort de Barbier 72 samedi à 23h, de Besse un obus lui a traversé le ventre et l’estomac, de Barthélémy et Baubex atteints à la tête et au cou, de Godefroy le milieu du corps emporté, Gougnard jambes hachées, Mondain dimanche matin, poitrine défoncée par l’écroulement de la guitoune, Franco colonne vertébrale cassée par cet écroulement, Vigile idem, tête aplatie 73. Marchal est accaparé par ses camarades. Un rescapé Vanderborn, le tambour. Les soldats sont gais, heureux de s’en être sortis. Ils sont soulagés pour six semaines. Les soldats de la guerre ont, pour les grandes et les petites choses, une philosophie d’enfant ils ne regardent jamais loin ni autour d’eux, ni devant eux. Ils pensent à peu près au jour le jour. Aujourd’hui, chacun de ceux-là est sûr de vivre encore un bout de temps. C’est pourquoi, malgré la fatigue qui les écrase, et la boucherie toute fraîche dont ils sont éclaboussés encore, et leurs frères arrachés tout autour de chacun d’eux, malgré tout, malgré eux, ils sont dans la fête de survivre, ils jouissent de la gloire infinie d’être debout ». 74 IV. VOLPATTE ET FOUILLADE Le sergent et le capitaine sont en colère. Volpatte et Fouillade ont été réquisitionnés et emmenés en première ligne par le 5e Bataillon. Le caporal Bertrand me demande d’aller les chercher avec Farfadet. On fait le chemin à l’envers en remontant la côte. Farfadet a du mal à suivre. En sortant du bois, on les retrouve 75. Volpatte n’entend rien, il a des bandages autour de la tête. Fouillade explique qu’ils reviennent du lieu où le 5e Bataillon les a mis jeudi et… les a oubliés. Ils sont restés quatre jours et quatre nuits dans un trou d’obus puant et sous les balles 76. On leur avait dit de se tenir là et de tirer. Le lendemain, ils ont eu la visite d’un type de liaison du 5e qui s’est enfui. Ils ont tenu avec une boule de son, un seau de vin et une caisse de cartouches. Farfadet donne à boire à Volpatte qui grelotte. Ils ont fait prisonniers deux allemands qui sont tombés dans leur trou et les ont attachés. Oubliés par le type de liaison, par le 6e et par le 18e 77, ils ont été retrouvés par ceux du 204 à qui ils ont remis les Boches. Au passage, ils ont même sorti le sergent Sacerdote de son trou. Volpatte a été blessé aux oreilles par l’explosion d’un obus. Retour. Farfadet et moi, nous portons le barda de Volpatte. Il se réjouit car avec sa blessure, il va être évacué 78. Dix heures sonnent au village. Volpatte imagine déjà son évacuation comme ce qui est arrivé à Jules Crapelet. Il montre la photo de sa femme et de ses deux garçons. Il dit que ses oreilles repousseront pendant sa convalescence et que d’ici là la guerre sera peut-être finie J’irai en convalo, dit Volpatte, et pendant qu’mes oreilles se recolleront, la femme et les p’tits me regarderont 79, et je les regarderai. Et pendant c’temps-là qu’elles r’pouss’ront comme des salades, mes amis, la guerre, elle s’avancera… Les Russes… On n’sait pas, quoi !… ». Fouillade en est presque jaloux et Farfadet comprend maintenant ce que veut dire une bonne blessure » la seule chose qu’un pauvre soldat puisse espérer qui ne soit pas fou ». On approche du village ; on contourne le bois. On voit une femme blonde. Fouillade nous apprend qu’elle s’appelle Eudoxie, qu’elle est réfugiée et qu’elle est à Gamblin dans une famille 80. Lamuse s’intéresse à elle. Il apparaît. Il veut porter les affaires de Volpatte et de Fouillade. En fait 81, il cherche Eudoxie. Elle réapparaît et je comprends que c’est à Farfadet que la bohémienne s’intéresse. Lamuse n’a rien vu mais le plus blessé n’est peut-être pas celui qu’on pense. On redescend au village 82 et les camarades se rassemblent sur la place de l’église V. L’ASILE Marche du régiment en quête d’un nouveau gîte sur la route qui monte au milieu du bois. Cohue endiguée par les talus et vacarme nocturne. On n’y voit rien 83. Spectacle de l’aube après plusieurs haltes. On sort de cette nuit de marche. Le nouveau cantonnement Gauchin-l’Abbé. D’après la rumeur, il y a tout ici Brigade, Conseil de Guerre 84, une espèce de terre promise. Après vingt-huit kilomètres dans la nuit, on arrive près des maisons au petit jour mais on ne s’arrête pas. Brouillard et froid. Le soleil perce enfin 85 et devient ardent. Bientôt il fait chaud dans ce pays de craie. Long nuage de calcaire et de poussière, les pieds semblent barboter dans des auges de maçons. On s’écarte pour laisser passer un convoi de camions qui soulève un nuage de poussière qui nous recouvre 86. On ressemble à des statues de plâtre. On se remet en route. Arrivée au cantonnement sur le coup de midi. Le régiment envahit la seule rue de Gauchin-l’Abbé. Les hommes s’engouffrent dans les bâtiments. Nous allons jusqu’au bout du village puis revenons à l’entrée 87. Fatigue et impatience au sein de l’escouade où chacun est pressé de trouver un coin à louer chez l’habitant. Ce sera difficile trois compagnies arrivent après la nôtre, quatre sont arrivées avant et il y a beaucoup de gens plus puissants que les simples soldats. La grange dévolue à l’escouade. On déchante mais il faut se dépêcher de trouver la meilleure place 88. L’escouade se scinde en deux patrouilles qui partent dans la rue. J’ai l’impression d’une sorte de combat désespéré entre tous les soldats, dans les rues du village qu’on vient d’occuper. — Pour nous, dit Marthereau, la guerre, c’est toujours la lutte et la bataille, toujours, toujours ! » Partout des refus de la part des habitants. Les trois rues du village noires de monde. La foule 89. J’aperçois Eudoxie dans une ruelle. Je ne dis rien à Lamuse qui ne l’a pas vue. Pour le moment, il faut trouver un coin. Barque nous entraîne vers une porte jaune. Devant, on rencontre Blaire 90 qui attend la voiture-dentiste. Négociations avec les habitants pour s’installer. Un local très sombre en terre battue, encombré de linge sale 91. Une vieille porte sur deux tonneaux fera office de table. On sera une douzaine. La femme a peur qu’on lui vole sa planche. 92 — Mais nous, on n’est pas des voleurs, insinue Lamuse, avec modération pour ne pas irriter la créature qui dispose de notre bien-être. — J’dis pas, mais vous savez, les soldats, i’s abîment tout. Ah quelle misère que c’te guerre ! » Vingt sous par jour. On essaie de protester. La femme prévient qu’elle peut trouver d’autres clients. On voudrait acheter du vin. La femme dit qu’elle n’en vend pas. — Vous comprenez, l’autorité militaire force ceux qui tiennent du vin à le vendre quinze sous. Quinze sous ! Quelle misère que c’te maudite guerre ! On y perd, à quinze sous, monsieur. Alors, j’n’en vends pas d’vin. J’ai bien du vin pour nous. J’dis pas que quéqu’fois, pour obliger, j’en cède pas à des gens qu’on connaît, des gens qui comprennent les choses, mais vous pensez bien, messieurs, pas pour quinze sous ». Elle accepte finalement de vendre un litre de vin à Lamuse pour vingt-deux sous 93. Elle nous conduit dans le cellier où il y a trois gros tonneaux. Barque ronchonne. La mégère devient agressive — Vous ne voudrez pas qu’on se ruine à cette misère de guerre ! C’est assez de tout l’argent qu’on perd à ci et à ça. Barque s’accroche avec elle. On s’interpose. Le mari appelle sa femme Palmyre qui s’en va. Colère de Barque et de Marthereau contre les hôtes 94 et contre Lamuse. — J’sais bien que c’est partout et toujours la même histoire, mais c’est égal… — I’s’ démerde l’habitant, ah ! oui ! I’ faut bien qu’i’ y en ait qui fassent fortune. Tout le monde ne peut pas s’faîre tuer. — Ah ! les braves populations de l’Est ! — Ben, et les braves populations du Nord ! — … Qui nous accueillent les bras ouverts !… — La main ouverte, oui… — J’te dis, répète Marthereau, que c’est un’ honte et une dégueulasserie ». On annonce la nouvelle au cantonnement. Courses pour le déjeuner. Barque a réussi à se faire donner les pommes de terre et la viande constituant la portion des quinze hommes de l’escouade. Il a aussi acheté du saindoux et des petits pois en conserve. La boîte de veau à la gelée de Mesnil André servira de hors d’œuvre. 95. La cuisine. Une marmite de plus sur la cuisinière de fonte. La femme se plaint. Les autres arrivent. Crépuscule de cave. Farfadet se frotte contre le mur et se salit. Puis il fait tomber sa cuiller qu’il retrouve charbonneuse 96. Repas abondant. Lueur par le soupirail. Biquet raconte ses tribulations avec une blanchisseuse, Tulacque parle de la queue devant l’épicerie et du rapport qui prévoit des sanctions sévères en cas de déprédations chez l’habitant. Volpatte va être évacué et Pépère va aller à l’arrière avec les hommes de la classe 93. Leur hôtesse a des soldats à sa table les infirmiers des mitrailleurs. Pépin parle d’une vieille qui reçoit gratuitement les gars de la 9e parce que son vieux, qui est mort il y a cinquante ans, était voltigeur 97. Palmyre apporte le café. Pourquoi que vous appelez l’adjudant le juteux ? […] Toujours ça a été ». Dix sous le café. Visite de Charlot, un garçon de la maison de la côté. Il raconte que ses parents ont aussi des soldats et qu’ils leur vendent tout ce qu’ils veulent. — Dis donc, petit, viens un peu ici, dit Cocon, en prenant le bambin entre ses genoux. Écoute bien. Ton papa i’ dit, n’est-ce pas Pourvu que la guerre continue ! » hé ? — Pour sûr, dit l’enfant en hochant la tête, parce qu’on devient riche. Il a dit qu’à la fin d’mai on aura gagné cinquante mille francs. — Cinquante mille francs ! C’est pas vrai ! — Si, si ! trépigne l’enfant. Il a dit ça avec maman. Papa voudrait qu’ça soit toujours comme ça. Maman, des fois, elle ne sait pas, parce que mon frère Adolphe est au front. Mais on va le faire mettre à l’arrière et, comme ça, la guerre pourra continuer ». Bruit de querelles le mari reproche à sa femme de ne pas savoir y faire 98. On sort de notre souterrain. Les mouches. Dans le bric-à-brac de la maison, un vieux monsieur. Il se prétend le beau-père de quelqu’un qui est ici. Palmyre le laisse faire en passant le balai sans rien dire 99. Des commères parlent de la façon de doser le Picon. Les bestioles se multiplient à cause de la chaleur. Je vais flâner avec Lamuse l’après-midi. Corvisart voudrait bien venir avec nous mais il est de corvée de colombins. Des cris Barque en proie à une ménagerie de ménagères. La scène est observée par une fillette 100. Six hommes, conduits par un caporal-fourrier, portent des capotes neuves et des chaussures. Lamuse voudrait de nouvelles chaussures. Un aéroplane ronfle. Lamuse ne croit pas au progrès — Ces machines-là, jamais ça ne deviendra pratique, jamais. — Comment peux-tu dire ça ! On a fait tellement de progrès, si vite… — Oui, mais on s’arrêtera là. On ne fera jamais mieux, jamais ». Il préfère me parler d’Eudoxie. Elle est là. Je fais semblant de ne pas m’en être aperçu 101. Mon vieux, veux-tu que je te dise ? Elle est venue pour moi ». Il veut épouser cette Eudoxie Dumail, cette paysanne plus belle qu’une Parisienne. Il a du mal à exprimer ses sentiments 102. C’est parti pour le commerce local avec les soldats. Cortège d’un enterrement militaire. Nous avons dépassé les dernières maisons. Au bout de la rue, le train régimentaire et le train de combats se sont installés avec leur matériel, les chevaux, la forge. Au bord du camp, la fameuse voiture stomatologique que cherchait Blaire 103. Il est là et interpelle Sambremeuse, l’infirmier, qui revient de ses courses. Suite de la promenade dans un sentier. Puis, nous nous trouvons face-à-face avec Eudoxie 104. Déclaration d’amour de Lamuse à Eudoxie qui le repousse. Il veut l’embrasser. Elle suffoque. Je m’interpose. Elle s’en va. J’entraîne le pauvre Lamuse 105. Les hommes du corps de garde Bigornot, Cornet, Canard, La Mollette parlent d’un marchand de vin, de Pépère, des femmes. Les autres regardent des avions ennemis. 106 On rentre. Carassus et Cheyssier annonce le départ de Pépère à l’arrière. Des bandes de poilus en conversations dans le village. Cohue autour d’un marchand de journaux. Fouillade, Paradis. Biquet nous parle de sa tenue qu’il va devoir nettoyer. Montreuil a une lettre pour lui c’est sa mère qui s’inquiète pour lui. Au centre du village 107, l’affluence augmente. On salue le commandant, et l’aumônier noir. On est interpellés par Pigeon, Guenon, le jeune Escutenaire, le chasseur Clodore. Bizouarne, Chanrion, Roquette parlent du départ de Pépère. Biquet de la lettre de sa mère. Elle date de dix jours. On rejoint notre asile. On est bien maintenant ». Biquet écrit à sa mère 108. VI. HABITUDES Poule noire, deux poussins, un vieux coq dans la basse-cour. Commentaires de Paradis et de Volpatte. On est bien, dit Barque » 109. Les petits canards. Au-delà de cette cour de ferme, un verger, une prairie, des abeilles, un pré, une pie. Les soldats s’étirent sur un banc de pierre. Voilà dix-sept jours qu’on est là. Des poilus se promènent. Tellurure 110. On croyait aussi qu’on s’rait malheureux ici comme dans les autres cantonnements. Mais cette fois-ci, c’est le vrai repos, et par le temps qu’i’ dure, et par la chose qu’il est ». Pas trop d’exercices, pas trop de corvées. Au bout du banc, le vieux bonhomme au trésor. Autrefois, il aimait les femmes ; maintenant, il ne pense plus qu’à l’argent. Il repart chercher son trésor et entre dans la maison 111. Dans la chambre, une petite fille joue à la poupée très sérieusement. On regarde le temps qui passe. Nous nous sommes attachés à ce coin de pays où le hasard nous a maintenus, au milieu de nos perpétuels errements, plus longtemps et plus en paix qu’ailleurs ». Le mois de septembre. On s’est habitués, ces lieux et nous, à être ensemble et on ne pense plus réellement au départ. La 11e Division est restée un mois et demi au repos et la 375e neuf semaines. — On finirait bien la guerre ici… Barque s’attendrit et n’est pas loin de le croire — Après tout, elle finira bien un jour, quoi ! » 112 Farfadet est plus heureux que nous à cause de son idylle avec Eudoxie. Il va nous quitter il va être appelé à l’arrière, à l’Etat-major de la Brigade 113. VII. EMBARQUEMENT Une alerte nous a, dans la nuit, arrachés au sommeil et au village de Gauchin-l’Abbé et on a marché jusqu’à une gare. On est sentinelles sur le quai. Une locomotive empêche Barque de parler 114. Des rames de quarante à soixante wagons. Les convois, les bâtiments de la gare. Des voitures militaires, des camions, des files de chevaux dans des terrains vagues 115. On embarque des canons camouflés. Un cheval peint. Sur le soir, des soldats arrivent, de plus en plus nombreux. Les statistiques de Cocon C’est rien ça encore, dit Cocon, l’homme-statistique. Rien qu’à l’ État-Major du Corps d’Armée, 116 il y a trente autos d’officier, et tu sais pas, ajouta-t-il, combien i’ faudra de trains de cinquante wagons pour embarquer tout le Corps – bonhommes et camelote – sauf, bien entendu, les camions, qui rejoindront le nouveau secteur avec leurs pattes ? N’cherche pas, bec d’amour. Il en faudra quatre-vingt-dix ». Il y en a trente-neuf. Gare surpeuplée. Le soir, les lumières s’allument 117. La gare prend un aspect fantastique. Cavaliers et fantassins s’avancent. On embarque des chevaux. Des voitures sur des wagons-tombereaux. La Section des projecteurs 118. — Il y a quatre Divisions, à cette heure, au Corps d’Armée, répond Cocon. Ça change quelquefois c’est trois, des fois, c’est cinq. Pour le moment, c’est quatre. Et chacune de nos divisions, reprend l’homme-chiffre que notre escouade a la gloire de posséder, renferme trois – régiments d’infanterie ; deux – bataillons de chasseurs à pied ; – un – régiment d’infanterie territoriale – sans compter les régiments spéciaux, Artillerie, Génie, Train, etc., sans non plus compter l’ État-Major de la et les services non embrigadés, rattachés directement à la Un régiment de ligne à trois bataillons occupe quatre trains un pour l’ la Compagnie de mitrailleuses et la compagnie hors rang, et un par bataillon. Toutes les troupes n’embarqueront pas ici les embarquements s’échelonneront sur la ligne selon le lieu des cantonnements et la date des relèves ». Tulacque est fatigué parce qu’on ne leur donne pas assez à manger. — Je m’suis renseigné, reprend Cocon. Les troupes, les vraies troupes, ne s’embarqueront qu’à partir du milieu de la nuit. Elles sont encore rassemblées çà et là dans les villages à dix kilomètres à la ronde. C’est d’abord tous les services du Corps d’Armée qui partiront et les – éléments non endivisionnés, explique obligeamment Cocon, c’est-à-dire rattachés directement au ». Parmi les tu ne verras pas le Ballon, ni l’Escadrille c’est des trop gros meubles, qui naviguent par leurs seuls moyens avec leur personnel, leurs bureaux, leurs infirmeries. Le régiment de chasseurs est un autre de ces […] 119 Comme du Corps d’Armée, y a l’Artillerie de Corps, c’est-à-dire l’artillerie centrale qui est en plus de celle des divisions. Elle comprend l’ – artillerie lourde, – l’ – artillerie de tranchées, – les – parcs d’artillerie, – les auto-canons, les batteries contre-avions, est-ce que je sais ! Il y a le Génie, la Prévôté, à savoir le Service des cognes à pied et à cheval, le Service de Santé, le Service vétérinaire, un escadron du Train des équipages, un régiment territorial pour la garde et les corvées du – Quartier Général, – le Service de l’Intendance avec le Convoi administratif, qu’on écrit pour ne pas l’écrire comme le Corps d’Armée. Il y a aussi le Troupeau de Bétail, le Dépôt de Remonte, etc. ; le Service Automobile – tu parles d’une ruche de filons dont j’pourrais t’parler pendant une heure si j’voulais – le Payeur, qui dirige les Trésors et Postes, le Conseil de Guerre, les Télégraphistes, tout le Groupe électrogène. Tout ça a des directeurs, des commandants, des branches et des sous-branches, et c’est pourri de scribes, de plantons et d’ordonnances, et tout l’bazar à la voile. Tu vois d’ici au milieu d’quoi s’trouve un général commandant de Corps ! » À ce moment, nous fûmes environnés par un groupe de soldats porteurs, en plus de leur harnachement, de caisses et de paquets ficelés dans du papier, qu’ils traînaient cahin-caha et posèrent à terre en faisant ouf. — C’est les secrétaires d’État-Major. Ils font partie du – du Quartier Général – c’est-à-dire de quelque chose comme la suite du Général. Ils trimbalent, quand ils déménagent, leurs caisses d’archives, leurs tables, leurs registres et toutes les petites saletés qu’il leur faut pour leurs écritures. Tiens, tu vois, ça, c’est une machine à écrire que ces deux-là – ce vieux papa et c’petit boudin – emportent, la poignée enfilée dans un fusil. Ils sont en trois bureaux, et il y a aussi la Section du Courrier, la Chancellerie, la – Section Topographique du Corps d’Armée – qui distribue 120 les cartes aux divisions et fait des cartes et des plans, d’après les aéros, les observateurs et les prisonniers. C’est les officiers de tous les bureaux qui, sous les ordres d’un sous-chef et d’un chef – deux colons – forment l’État-Major du Mais le proprement dit, qui comprend aussi des ordonnances, des cuisiniers, des magasiniers, des ouvriers, des électriciens, des gendarmes, et les cavaliers de l’Escorte, est commandé par un commandant ». Des hommes essaient de faire monter une voiture sur un wagon. L’un d’entre eux bouscule Barque. On gêne partout 121. Les hommes commentent ces événements. On se tait et alors on entend Cocon qui dit — Pour voir passer toute l’armée française qui tient les lignes – je ne parle pas de c’qui est installé en arrière, où il y a deux fois plus d’hommes encore, et des services comme des ambulances qu’ont coûté 9 millions et qui vous évacuent des 7000 malades par jour – pour la voir passer dans des trains de soixante wagons qui se suivraient sans arrêt à un quart d’heure d’intervalle, il faudrait quarante jours et quarante nuits ». Les hommes se désintéressent de ces chiffres et suivent d’un œil larmoyant le train blindé qui passe 122. VIII. LA PERMISSION Eudore rentre de permission. Il rencontre un tringlot soldat du train puis quatre hommes qui reviennent de la corvée de vin 123. Ils lui demandent s’il a vu sa femme Mariette. Oui, mais une seule fois. Eudore raconte son histoire. Ils tiennent un estaminet dans une des quatre maisons de Villiers-l’Abbé. En vue de sa permission, Mariette avait demandé un laissez-passer, bien à l’avance, pour Mont-Saint-Eloi où habitent les parents d’Eudore. Mais la permission est arrivée plus tôt que prévue si bien qu’elle n’avait pas reçu le papier. Eudore a attendu chez ses parents et à la fin du sixième et dernier jour, il a reçu une lettre de Mariette, par l’intermédiaire du fils de Florence, pour le prévenir qu’elle n’avait pas encore le laissez-passer. Il a finalement décidé d’aller à Villiers-l’Abbé 124. Après une visite au maire, il s’est mis en route 125 d’abord en train puis à pied, sous la pluie qui tombait sans discontinuer depuis six jours. Il arrive à la station avec quatre autres permissionnaires. Ils passent devant la ferme des Alleux qui est la première maison. Détruite 126 comme la deuxième. Ils arrivent à celle d’Eudore et Mariette, la troisième. Eudore retrouve sa femme et il dit à ses camarades de rentrer. Ils ne pourront aller de nuit jusqu’à Vauvelles. Eudore propose alors de les accompagner jusqu’à la dernière maison, la ferme du Pendu 127. Mais un sous-officier de garde leur dit que la ferme est devenue un poste de police et qu’ils ont des prisonniers allemands. Ils doivent repartir. Eudore revient donc chez lui avec les permissionnaires. Ils voudraient bien dormir dans la cave mais elle est inondée et il n’y a pas de grenier. Ils s’apprêtent à partir 128. Il est neuf heures du soir. Eudore et Mariette les empêchent de s’en aller. Ils sont restés comme ça toute la nuit. Au matin 129, les premiers clients arrivent à l’estaminet pour boire un café. Mariette s’affaire à le préparer. Les permissionnaires dont un gros Macédonien viennent remercier Mariette et s’excuser du dérangement 130. Ils veulent payer le café mais Mariette leur offre. Ils s’en vont mais déjà un autre client arrive. Mariette a préparé un paquet pour Eudore un jambonneau, un litre de vin et du pain. — Pauv’ Mariette, soupire Eudore. Y avait quinze mois que je ne l’avais vue. Et quand est-ce que je la reverrai ! Et est-ce que je la reverrai ? » Eudore va partager ce colis avec ses camarades de l’escouade 131. IX. LA GRANDE COLÈRE Volpatte rentre de deux mois de convalescence, renfrogné. Ses camarades lui demandent de parler. Il ne veut rien dire. Après une mâtinée de terrassement, on se retrouve pour 132 le repas dans un boyau d’arrière. Pluie torrentielle. On mange debout. Barque et Blaire interrogent Volpatte qui finit par dire ce qu’il a sur le cœur il y a trop d’embusqués à l’arrière 133. Barque lui conseille de ne pas se soucier d’eux. Volpatte gronde — J’suis pas maboul tout à fait, et j’sais bien qu’des mecs de l’arrière, l’en faut. Qu’on aye besoin d’traîne-pattes, j’veux bien… Mais y en a trop, et ces trop-là, c’est toujours les mêmes, et pas les bons, voilà ! » Volpatte commence à expliquer. Tous les planqués bien au chaud qu’il a vus dans le premier patelin où on l’a envoyé et qui diront ensuite qu’ils ont été à la guerre Ah ! mon vieux, ruminait notre camarade, tous ces mecs qui baguenaudent et qui papelardent là-dedans, astiqués, avec des kébrocs et des paletots d’officiers, des bottines – qui marquent mal, quoi – et qui mangent du fin, s’mettent, quand ça veut, un cintième de casse-pattes dans l’cornet, s’lavent plutôt deux fois qu’une, vont à la messe, n’défument pas et l’soir s’empaillent dans la plume en lisant sur le journal. Et ça dira, après J’suis t’été à la guerre. » Une chose a frappé Volpatte ces planqués-là s’installent à leur aise chez les gens au lieu de manger sur le pouce comme les soldats 134. Tant mieux pour eux », dit le voisin de Volpatte qui n’est pas content de cette remarque. Le voisin lui dit qu’il voudrait bien être à leur place. — Pour sûr, mais qu’est-ce que ça prouve, face de fesse ? D’abord, nous, on a été au danger et ce s’rait bien not’ tour. C’est toujours les mêmes, que j’te dis, et pis, pa’ce qu’y a là-d’dans des jeunes qu’est fort comme un bœuf, et balancé comme un lutteur, et pis pa’c’qu’y en a trop. Tu vois, c’est toujours trop » que j’dis, parce que c’est ça ». Le voisin cherche à provoquer Volpatte il faut bien que quelqu’un fasse marcher les affaires 135. Le temps se calme. Volpatte parle d’un gars qu’il a rencontré dans un hôpital d’évacuation et qui l’a guidé dans le dépôt pour lui montrer tout ce qui se passait. Mais lui n’est pas retourné aux tranchées comme Volpatte. L’lendemain, i’ s’était fait coller ordonnance, pour couper à un départ, vu qu’c’était son tour de partir depuis l’commencement d’la guerre ». Sur le pas de sa porte où il dormait dans un lit, il passait son temps à cirer les chaussures de son chef. Jamais, mon vieux, i’ n’avait été envoyé sur le front, quoique de la classe 3 et un costaud bougre, tu sais. L’danger, la fatigue, la mocherie de la guerre, c’était pas pour lui, pour les autres, oui. I’ savait que si i’ mettait l’pied sur la ligne de feu, la ligne prendrait toute la bête, aussi i’ coulait de toutes les pattes pour rester sur place. On 136 avait essayé de tous les moyens pour le posséder, mais c’était pas vrai, il avait glissé des pinces de tous les capitaines, de tous les colonels, de tous les majors, qui s’étaient pourtant bougrement foutus en colère contre lui. I’ m’racontait ça. Comment qu’i’ f’sait ? I’ s’laissait tomber assis. I’ prenait un air con. I’ faisait l’saucisson. I’ d’venait comme un paquet de linge sale. J’ai comme une espèce de fatigue générale », qu’i’ chialait. On savait pas comment l’prendre et, au bout d’un temps, on le laissait tomber, i’ s’faisait vomir par tout un chacun. V’là. I’ changeait sa manière aussi suivant les circonstances, tu saisis ? Qué’qu’fois, l’pied y faisait mal, dont i’ savait salement bien s’servir. Et pis, i’ s’arrangeait, l’était au courant des binaises, savait toutes les occases. Tu parles d’un mecton qui connaissait les heures des trains ! Tu l’voyais s’rentrer en s’glissant en douce dans un groupe du dépôt où c’était l’filon, et y rester, toujours en douce poil-poil, et même, i’ s’donnait beaucoup d’mal pour que les copains ayent besoin de lui. I’ s’levait à des trois heures du matin pour faire le jus, allait chercher de l’eau pendant que les autres bouffaient ; enfin quoi, partout où i’ s’était faufilé, il arrivait à être d’la famille, c’pauv’ type, c’te charogne ! Il en mettait pour ne pas en mettre. I’ m’faisait l’effet d’un mec qu’aurait gagné honnêtement cent balles avec le travail et l’emmerdement qu’il apporte à fabriquer un faux billet de cinquante. Mais voilà I’ raboulera sa peau, çui-là. Au front, i’ s’rait emporté dans l’mouvement, mais pas si bête ! I’ s’fout d’ceux qui prennent la bourre sur la terre, et i’ s’foutra d’eux plus encore quand i’s seront d’ssous. Quand i’s auront fini tous de s’battre, i’ r’viendra chez lui. I’ dira à ses amis et connaissances Me v’là sain t’et sauf », et ses copains s’ront contents, parce que c’est un bon type, avec des magnes gentilles, tout saligaud qu’il est, et – c’est bête comme tout – mais c’t’enfant d’vermine-là, tu l’gobes ». Il y en a beaucoup comme lui dans chaque dépôt, ajoute Volpatte 137. C’est pas nouveau, ajoute Barque. Mais Volpatte n’en revient pas d’avoir vu autant de gens dans les bureaux. — Y a les bureaux ! ajouta Volpatte, lancé dans son récit de voyage. Y en a des maisons entières, des rues, des quartiers. J’ai vu que mon tout petit coin de l’arrière, un point, et j’en ai plein la vue. Non, j’n’aurais pas cru qu’pendant la guerre y avait tant d’hommes sur des chaises … » La pluie s’arrête. On se met en marche. On entend encore le bruit de Volpatte dans le bruit des pas. Il en veut maintenant aux gendarmes. Plus on s’éloigne du front, plus on en voit. Tulacque lui aussi a une rancune contre eux. Ils embêtent les gars qui essaient de se débrouiller. Un gars essaie de les défendre 138 mais Tulacque et Volpatte insistent. Volpatte précise que certains gendarmes pestent contre les règlements qui changent sans arrêt T’nez, le service prévôtal ; eh bien, vous apprenez c’qui fait le principal chapitre de la chose, après c’n’est plus ça. Ah ! quand cette guerre s’ra-t-elle finie ? » qu’i’ disait. — I’s font ce qu’on leur dit de faire, ces gens, hasarda Eudore. — Bien sûr. C’est pas d’leur faute, en somme. N’empêche que ces soldats de profession, pensionnés, médaillés – alors que nous, on est qu’des civils – auront eu une drôle de façon de faire la guerre ». Volpatte évoque un forestier qui se plaignait du traitement que leur réservaient les civils alors qu’ils avaient fait quatre ans de service Dans les on nous fait nettoyer, et enlever les ordures. Les civils voient c’traitement qu’on nous inflige et nous dédaignent. Et si tu as l’air de rouspéter, c’est tout juste si on n’parle pas de t’envoyer aux tranchées, comme les fantassins ! Qu’est-ce que devient notre prestige ! Quand nous serons de retour dans les communes, comme gardes, après la guerre – si on en revient, de la guerre – les gens, dans les communes et les forêts, diront Ah ! c’est vous que vous décrottiez les rues à X… ? » 139 Lamuse a vu un gendarme qui était juste mais qui a reconnu que certains abusaient de leur pouvoir. Un jour, Paradis a pris un gendarme pour un sous-lieutenant. Un peu plus tard, alors qu’ils sont assis le long d’un mur, Volpatte continue son déballage. Il était dans le bureau de la comptabilité au Dépôt. Il avait fait une demande pour être reversé dans son régiment. Il tombe sur un sergent 140 en train d’engueuler un scribe pour des histoires de procédure. Il attend la fin de l’engueulade et le sergent lui dit qu’il n’a pas de temps. Il est dans tous ses états à cause de sa machine à écrire. Puis il s’en prend à quelqu’un d’autre pour une histoire de bordereau de cartes. A coté, un autre s’occupe des circulaires. D’autres causent. Au bout de la grande table un homme 141 chargé des permissions se retrouve sans rien à faire depuis que la grande attaque a commencé et que les permissions ont été suspendues. Il y a encore beaucoup d’autres tables dans d’autres salles. Tulacque évoque le cas d’un chauffeur bien habillé et galonné appuyé sur une voiture. Tout le monde a son couplet sur les filoneurs ». Les exemples … planton au Service Routier, pis à la Manute, pis cycliste au ravitaillement du XIe Groupe, porteur de pli au Service de l’Intendance, au Canevas du Tir, à l’Équipage des Ponts, et le soir à l’ et à l’ ordonnance que les femmes 142 prenaient pour des soldats, un autre qui a fait une tournée d’conférences en Amérique avec mission du ministre. .
  • nxskvs48lx.pages.dev/244
  • nxskvs48lx.pages.dev/36
  • nxskvs48lx.pages.dev/337
  • nxskvs48lx.pages.dev/173
  • nxskvs48lx.pages.dev/494
  • nxskvs48lx.pages.dev/50
  • nxskvs48lx.pages.dev/364
  • nxskvs48lx.pages.dev/423
  • un tirailleur en enfer résumé de chaque chapitre